Aunom de la vĂ©ritĂ©: Machination amoureuse. TF1 Series | jeudi 7 mai 2020 | 10:40. OĂč regarder. LiveTV. jeudi 7 mai 2020 10:40. lundi 27 avril 2020 13:00. dimanche 26 avril 2020 13:00. samedi 25 avril 2020 13:00. mercredi 22 avril 2020 13:00. SYNOPSIS. Histoires secrĂštes, accidents de la vie, moments qui dĂ©rapent Focus sur les hĂ©ros du quotidien en prise avec
On ne se pose plus guĂšre aujourd'hui la question de Satan. Soit il est ignorĂ©, y compris des croyants, qui prĂ©fĂšrent parler du mal de maniĂšre non personnifiĂ©e. Soit sa biographie» est connue, trop connue, pour ĂȘtre interrogĂ©e. Satan est l'ennemi de Dieu, ce Lucifer rebelle qui pousse Adam et Ève au pĂ©chĂ©. L'affaire est depuis longtemps classĂ©e, qu'en dire de plus? Beaucoup, si l'on en croit Henry Ansgar Kelly, professeur Ă©mĂ©rite Ă  l'universitĂ© de Californie Ucla et grand spĂ©cialiste de la question du diable dans le christianisme ancien. Pour lui, nous aurions encore tout Ă  apprendre de la vĂ©ritable vie de Satan, qu'il dĂ©roule avec une Ă©rudition impressionnante dans son dernier livre Satan, une biographie. Sa thĂšse est simple Satan a Ă©tĂ© victime d'un effet d'optique fĂącheux, d'une rĂ©interprĂ©tation post-biblique, qui a embrouillĂ© son histoire», le transformant de simple fonctionnaire odieux du Gouvernement divin qu'il Ă©tait en personnification du Mal». Satan a ainsi fini par devenir quasiment un anti-Dieu. Cette nouvelle biographie de Satan», fruit des spĂ©culations thĂ©ologiques des PĂšres de l'Église, s'est prolongĂ©e jusqu'Ă  nos jours. Henry Ansgar Kelly entend la dĂ©construire, en mettant en lumiĂšre ce que les textes bibliques disent vraiment» de Satan. Le rĂ©sultat est une vaste fresque historique, exĂ©gĂ©tique et thĂ©ologique, qui interroge toutes les apparitions de Satan dans l'Ancien Testament, la littĂ©rature juive ancienne, le Nouveau Testament et les Apocryphes, les Ă©crits des PĂšres de l'Église, certains thĂ©ologiens mĂ©diĂ©vaux et, pour finir, quelques auteurs modernes. Ce diable de travail donnerait presque le tournis, tant les sources et les exemples s'entremĂȘlent sous la plume de Kelly. On y apprend que, dans l'Ancien Testament, le mot hĂ©breu satan n'est pas un nom propre, mais un nom commun qui signifie adversaire», lequel est d'ailleurs appliquĂ© Ă  des adversaires humains». En trois lieux seulement, le voilĂ  associĂ© Ă  des figures supra-humaines ou angĂ©liques quand l'ange de YahvĂ© se manifeste comme un satan contre Balaam et son Ăąnesse Nombres 22, quand un des fils de Dieu agit en satan contre Job Job 1 2 et, pour finir, quand un satan accuse le grand prĂȘtre JosuĂ© Zacharie 3. La Septante, traduction des Ă©critures hĂ©braĂŻques en grec, confirmera cette banalisation de satan, traduit par epiboulos comploteur», ou diabolos adversaire». Les traducteurs juifs ne reconnaĂźtront de Satan au sens propre» que dans deux cas, les livres de Job et de Zacharie, oĂč ils identifient non pas un satan» mais bel et bien Satan» Ă  l'oeuvre. Tel est son acte de naissance. Dans le Nouveau Testament, la figure de Satan apparaĂźt composite. Dans les Évangiles, Satan est le tentateur qui Ă©prouve JĂ©sus et ses disciples, cherche Ă  les dĂ©tourner de leur devoir et inflige des maladies. Chez saint Paul, on le voit intervenir comme empĂȘcheur et incitateur au dĂ©couragement» et chĂątieur/rééducateur des pĂȘcheurs». Dans l'Apocalypse, nous retrouvons Satan au ciel, dont il n'est chassĂ© qu'aprĂšs la mort des martyrs chrĂ©tiens. VoilĂ , rĂ©sumĂ©e Ă  gros traits, la biographie originelle» de Satan. Henry Ansgar Kelly peut ainsi noter, en creux, ce que l'on ne trouve pas dans les Écritures pas de chute des anges avant la crĂ©ation du monde, pas de Satan liĂ© au Serpent de l'Éden ou au pĂ©chĂ© d'Adam, pas d'Antichrist mais seulement des antichrists, qui sont humains et pas directement associĂ©s Ă  Satan». L'Ă©laboration d'un scĂ©nario» des origines du diable vient plus tardivement, chez les PĂšres de l'Église. Justin est le premier Ă  affirmer la responsabilitĂ© de Satan dans la chute d'Adam et Ève, puis Tertullien identifiera Satan Ă  Lucifer. Cyprien et IrĂ©nĂ©e de Lyon expliqueront que son premier pĂ©chĂ© fut sa jalousie Ă  l'Ă©gard d'Adam. Mais la vĂ©ritable rupture, selon Kelly, se fera au IIIe siĂšcle avec OrigĂšne qui postule que Satan est le premier de tous les ĂȘtres menant une vie pacifique et heureuse qui a perdu ses ailes et est tombĂ© de son Ă©tat bienheureux» Contre Celse. Satan apparaĂźt pour la premiĂšre fois en rĂ©bellion directe contre Dieu. Henry Ansgar Kelly y lit l'influence d'un dualisme venu du zoroastrisme, qui va contaminer la thĂ©ologie chrĂ©tienne. Il faudra attendre le protestantisme libĂ©ral du XIXe siĂšcle pour que cette construction soit questionnĂ©e. Kelly rappelle notamment la critique du thĂ©ologien allemand Friedrich Schleiermacher 1768-1834. Ă  ses yeux, le Nouveau Testament ne contient rien de neuf sur le diable et la croyance au diable ne peut ĂȘtre une condition de la foi en Dieu. Satan n'est pour lui Schleiermacher qu'un Ă©lĂ©ment insignifiant de la vision du monde qui prĂ©valait au temps du Christ», note Kelly qui, semble-t-il, partage ce point de vue. Il n'empĂȘche, si Henry Ansgar Kelly s'engage si mĂ©thodiquement Ă  corriger nos vues sur Satan, c'est que l'image que nous nous faisons de Dieu en dĂ©pend directement. La fusion de Satan avec le Serpent de l'Éden, puis la diffamation de Satan prĂ©sentĂ© comme le grand ennemi de Dieu, auquel celui-ci aurait livrĂ© toute l'espĂšce humaine vouĂ©e Ă  un chĂątiment Ă©ternel, fit de Dieu non pas le PĂšre misĂ©ricordieux des Évangiles, mais un tyran inepte et irrationnel», regrette-t-il. Redonner Ă  Satan sa place, mineure, ravive l'intelligibilitĂ© de la foi chrĂ©tienne, juge l'auteur, qui conclut avec humour J'ai cherchĂ© Ă  blanchir Satan et, qui sait, peut-ĂȘtre cette entreprise aidera-t-elle Ă  restaurer la rĂ©putation de Dieu.» ELODIE MAUROT
Manipulationsamoureuses: With Floriane Andersen. Menu. Movies. Release Calendar DVD & Blu-ray Releases Top 250 Movies Most Popular Movies Browse Movies by Genre Top Box
ThĂ©rĂšse dĂ©barque au Mistral lors de la dixiĂšme saison, jeune file de quatorze ans, orpheline, elle est trimbalĂ©e de famille d'accueil en famille d'accueil puis en foyer. ThĂ©rĂšse croise la route de Gabriel Riva alors qu'elle se fait hospitaliser Ă  l'hĂŽpital Marseille-Est, aprĂšs quelques jours, Gabriel parvient Ă  nouer un contact avec ThĂ©rĂšse qui lui raconte la vie difficile en foyer! Gabriel se propose d'hĂ©berger ThĂ©rĂšse quelques jours Ă  son domicile, alors qu'il y vit avec Thomas Marci son compagnon, chose qui se fait! Jeune fille extravertie, dynamique, pleine de vie et d'humour, ThĂ©rĂšse s'attirera la sympathie de tout le Mistral! Alors que ThĂ©rĂšse doit repartir dans un nouveau foyer, loin, elle se voit proposer par Gabriel Riva et Thomas Marci de se faire...adopter par eux! ThĂ©rĂšse est touchĂ©e par la demande, mais leur apprend une nouvelle dont elle ne leur avait pas parlĂ© ces premiĂšres semaines ThĂ©rĂšse a un demi-frĂšre Baptiste Marci qui a quinze ans, dont elle est trĂšs proche depuis sa tendre enfance, et elle refuse de se faire adopter si Baptiste n'est pas adoptĂ©. ThĂ©rĂšse voit alors Thomas et Gabriel d'accord d'adopter aussi Baptiste... alors que l'affaire peut sembler simple, il n'en est pourtant rien, car si ThĂ©rĂšse est une adolescente tolĂ©rante et ouverte d'esprit, Baptiste est un adolescent perturbateur, dissipĂ© et surtout homophobe! ThĂ©rĂšse tentera en vainc de convaincre Baptiste de se faire adopter par Gabriel et Thomas, ce dernier refusant de se faire adopter par un couple homosexuel... Pourtant un essai d'adoption se fait, ThĂ©rĂšse et Baptiste vivront quelques mois chez Gabriel et Thomas! Par la suite, ThĂ©rĂšse et sa famille disparaissent un temps des Ă©crans. Quelques semaines plus tard, ThĂ©rĂšse rĂ©apparaĂźt, alors qu'elle se rend sagement au lycĂ©e dans lequel l'ont inscrite Gabriel et Thomas, son demi-frĂšre Baptiste n'y est jamais allĂ©, bien que jeune fille sage, ThĂ©rĂšse couvre les bĂȘtises de Baptiste, il arrive mĂȘme que ThĂ©rĂšse soit entrainĂ© par Baptiste ou vaguement d'elle mĂȘme dans certaines bĂȘtises notamment lorsque Baptiste volera la voiture de Gabriel et Thomas et entrainera ThĂ©rĂšse dans sa fugue ou encore quand Baptiste l'incitera Ă  dĂ©chirer leurs habits pour en faire payer de nouveau par Gabriel et Thomas. ThĂ©rĂšse est heureuse quand aprĂšs maintes nouvelles pĂ©ripĂ©ties, la situation s'apaise totalement e que Baptiste accepte enfin de se faire adopter par Gabriel et Thomas. ThĂ©rĂšse se voit finalement inscrite au lycĂ©e Vincent Scotto, on apprend que ThĂ©rĂšse est une excellente Ă©lĂšve aux rĂ©sultats brillants et qu'elle a d'ailleurs sautĂ© une classe, contrairement Ă  Baptiste qui a de grosses difficultĂ©s scolaires. ThĂ©rĂšse et Baptiste parviennent Ă  tout de mĂȘme ĂȘtre inscrit dans la mĂȘme classe malgrĂ© leur grande diffĂ©rence de niveau scolaire. ThĂ©rĂšse se lie d'amitiĂ© ZoĂ© Prieur et Kevin Belesta et forme une vĂ©ritable bande d'amis avec ces deux-lĂ  et son demi-frĂšre Baptiste. ThĂ©rĂšse peut aussi se montrer jalouse, Ă  tord ou Ă  raison, quand elle dĂ©testera Emma Rimez qui est la nouvelle petite-amie de Baptiste, se sentant abandonnĂ© par Baptiste ayant l'impression juste ou fausse qu'il privilĂ©gie sa relation amoureuse avec Emma, Ă  sa complicitĂ© fraternelle qui date de leur enfance avec elle. Mais ThĂ©rĂšse finira par devenir amie Emma Rimez. Bien plus tard, ThĂ©rĂšse tombera amoureuse de CĂ©sar Cordennier aprĂšs une brĂšve relation avec Pierrick le pire ennemi de Baptiste Marci car CĂ©sar avait voulu sĂ©duire Emma, n'avait pas hĂ©sitĂ© Ă  mentir sur une pseudo-maladie dont il souffrirait ou encore Ă  manipule l'ensemble des amis de ThĂ©rĂšse. Mais les sentiments ne se contrĂŽlent pas, et ThĂ©rĂšse vivra cachĂ©e son amour avec CĂ©sar... mais quand Baptiste l'apprendra il parviendra par une machination Ă  faire croire Ă  ThĂ©rĂšse que CĂ©sar se drogue toujours actuellement, ThĂ©rĂšse prise dans la manipulation de Baptiste quitte CĂ©sar, ne se doutant pas que CĂ©sar n'y est pour rien. De longs mois plus tard, ThĂ©rĂšse apprend la vĂ©ritĂ© sur l'affaire de drogue de CĂ©sar et en voudra profondĂ©ment Ă  Baptiste, surtout qu'entre temps CĂ©sar a refait sa vie amoureuse avec une autre camarade de classe, ThĂ©rĂšse fugue. Mais tout se fini bien quand elle est retrouvĂ©e et que Baptiste lui demande pardon, et cerise sur la gĂąteau, ThĂ©rĂšse parvient Ă  renouer avec CĂ©sar Cordennier! ThĂ©rĂšse est enfin heureuse amoureusement! Bien qu'en couple et trĂšs amoureuse de CĂ©sar, ThĂ©rĂšse vivra une brĂšve aventure amoureuse avec son amie ZoĂ© Prieur avec le semi consentement de CĂ©sar! Bien que trĂšs amoureuse de CĂ©sar, et semblant heureuse et Ă©panouie, ThĂ©rĂšse finira par se sĂ©pare de CĂ©sar aprĂšs quelques annĂ©es passĂ©es en couple, c'est plutĂŽt CĂ©sar qui quittera ThĂ©rĂšse lui apprenant le trouver trop routiniĂšre et ennuyante alors qu'il a besoin de sensations fortes, ThĂ©rĂšse sera profondĂ©ment vexĂ©e ce qui mettra un terme dĂ©finitif Ă  l'histoire d'amour de ThĂ©rĂšse et CĂ©sar! Mais le destin n'est pas sans surprise, et aprĂšs quelques mois de cĂ©libat, ThĂ©rĂšse vivra un accident de la route en percutant une autre voiture alors qu'elle faisait de la conduite accompagnĂ©e, ThĂ©rĂšse voudra rencontrer le jeune homme du nom de Hugo Dautret une fois qu'il est rĂ©veillĂ©, qui a Ă©tĂ© gravement blessĂ© alors que ThĂ©rĂšse n'a quasiment rien eut... ThĂ©rĂšse aura alors un coup de foudre pour Hugo mĂȘme si ce dernier vivra une pĂ©riode difficile avec sa famille, tentera de se suicider ou encore fera une rechute aprĂšs son rĂ©veil de l'accident. ThĂ©rĂšse dĂ©butera une histoire d'amour avec Hugo! Pourtant, ThĂ©rĂšse finira par se sĂ©parer de Hugo, hors Ă©cran. AudĂ©but du rĂšgne de Louis XVIII, Edmond DantĂšs (GĂ©rard Depardieu), marin, est la victime innocente d'un complot et enfermĂ© dans le ChĂąteau d'If SprĂłbuj na IMDb SprĂłbuj na IMDb. Et Dumas de prĂ©ciser: Köp Le comte de Monte-Cristo av Univerb pĂ„ Bokus 17 Mbps overall) Le Comte de Monte Cristo a Ă©tĂ© adaptĂ© pour l'Ă©cran pas moins de cinquante fois, dans de MenuAllAllTitlesTV EpisodesCelebsCompaniesKeywordsAdvanced SearchWatchlistSign InENFully supportedEnglish United StatesPartially supportedFrançais CanadaFrançais FranceDeutsch Deutschlandà€Âčà€¿à€‚à€Šà„₏ Ă Â€Â­Ă Â€ÂŸĂ Â€Â°Ă Â€Â€Italiano ItaliaPortuguÃÂȘs BrasilEspañol EspañaEspañol MéxicoAu nom de la véritéAll episodesAllCast & crewIMDbProEpisode aired Nov 2013YOUR RATINGDramaAdd a plot in your languageYOUR RATINGSee more at IMDbProStarFloriane AndersenStarFloriane AndersenSee production, box office & company infoSee production, box office & company infoPhotosAdd photoTop castEditFloriane AndersenCandiceAll cast & crewProduction, box office & more at IMDbProStorylineEditUser reviewsBe the first to reviewBe the first to reviewDetailsEditRelease dateNovember 2013 FranceSee more company credits at IMDbProTechnical specsEditRuntime26 minutesRelated newsContribute to this pageSuggest an edit or add missing contentIMDb Answers Help fill gaps in our dataLearn more about contributingEdit pageMore to exploreListThe Best Movies and Shows to Watch in AugustSee the full listListFall TV Guide The Best Shows Coming This YearSee the full listPhotosDouble Take Celebrity TwinsSee the full listBack to topRecently viewedYou have no recently viewed pages Regarderen exclusivitĂ© tous les replay de Au nom de la vĂ©ritĂ© - ProposĂ© en streaming sur TF1 SĂ©ries Films et diffusĂ© le 8 janvier 2022 Skip to content DICKER JoĂ«l En 2018, JoĂ«l se rend au Palace, prestigieux hĂŽtel de Verbier, pour se remettre d’une dĂ©ception amoureuse et de la mort de son Ă©diteur, Bernard de Fallois, auquel il tente de consacrer un livre. Il est loin de se douter qu’il va passer ses vacances, entraĂźnĂ© par une ravissante voisine, Ă  enquĂȘter sur un meurtre commis des annĂ©es auparavant dans la chambre 622. Verbier ! Une station de ski oĂč il ne se passe jamais rien
 C’est compter sans JoĂ«l Dicker, alias l’écrivain », qui se met habilement en scĂšne et mĂ©nage un suspense qui va crescendo jusqu’aux derniĂšres pages. L’hommage appuyĂ© Ă  son Ă©diteur, qui fut Ă©galement son ami, s’intercale avec dĂ©licatesse dans une intrigue aux moult rebondissements. À l’égal de La disparition de StĂ©phanie Mailer Les Notes mars 2018, Dicker prend son temps pour faire vivre une brillante galerie de personnages qui trouvent leur Ă©quilibre dans l’alternance des Ă©poques. Chantage, duplicitĂ©, trahison, machination ; l’auteur, dotĂ© d’un esprit mĂ©thodique, brouille les pistes sans jamais lĂącher une intrigue au fort potentiel distrayant, qui brosse une Ă©poque rĂ©volue de luxe ostentatoire. Les convictions se muent en doute jusqu’à un Ă©pilogue qui livre sa vĂ©ritĂ© dans une ultime pirouette. Maje et print 15K views, 42 likes, 48 loves, 36 comments, 13 shares, Facebook Watch Videos from Temple de Saint-BenoĂźt, Muruga, au nom de la vĂ©ritĂ©: ***Temple Siva Soupramanien de Saint-BenoĂźt*** VAÏCASI VISÃGAM
Palpitant et enlevĂ© tels sont les mots qui viennent spontanĂ©ment Ă  la lecture d’AdultĂšre, le nouveau roman d’Yves Ravey qui paraĂźt ces jours-ci chez Minuit. Au cƓur d’un dĂ©sastre financier qui l’oblige Ă  fermer son commerce, Jean Seghers, le narrateur, est comme conduit, presque malgrĂ© lui, Ă  s’inquiĂ©ter de son entourage et bientĂŽt Ă  tout vouloir liquider. VĂ©ritable page turner, AdultĂšre se donne comme un rĂ©cit qui ne cesse de nourrir une rĂ©flexion sur l’identitĂ© et l’empreinte spectrale des images dans nos vies. Autant de raisons pour que Diacritik aille Ă  la rencontre du romancier le temps d’un grand entretien. Ma premiĂšre question voudrait porter sur la genĂšse de votre Ă©nergique et palpitant nouveau roman, AdultĂšre qui vient de paraĂźtre. Comment en est prĂ©cisĂ©ment l’idĂ©e ? Existe-t-il une scĂšne ou une image prĂ©cise Ă  partir de laquelle il a pu prendre sa naissance ? Sa structure policiĂšre, trĂšs marquĂ©e et s’organisant comme l’affirme le narrateur autour d’un projet criminel », invite Ă  y voir une origine proche d’un fait divers est-ce le cas ? Enfin, comment vous est venu un titre si lapidaire ? Existe-t-il une scĂšne originelle ? AprĂšs avoir abandonnĂ© le territoire de mon roman prĂ©cĂ©dent Pas Dupe, j’ai attendu que me parviennent les conditions d’existence d’un autre roman en escomptant que les personnages, en premier lieu le narrateur, entrent en interaction avec le cadre. J’ai ressenti trĂšs vite la nĂ©cessitĂ© d’ĂȘtre motivĂ© par un acte fort, pour Ă©crire Ă  long terme, pour ne pas avoir Ă  dĂ©truire aprĂšs cinquante pages, comme cela arrive si souvent, quand le texte s’épuise de lui-mĂȘme. J’ai attendu, comme on attend l’autobus, au coin de la rue, avec un peu de culpabilitĂ© que rien n’apparaisse jamais. J’ai admis Ă  ce moment-lĂ  que ce qui doit nĂ©cessairement advenir est transportĂ© par le souvenir. Progressivement me sont apparues deux choses 1 la station-service oĂč j’ai fait office de veilleur de nuit, j’avais l’ñge d’aller au lycĂ©e. 2 M’est apparu cette image de la patronne de la station, qui logeait sur place avec son mari, couple trĂšs attachant et protecteur. Il n’était pas rare que la patronne, je ne peux me souvenir de son prĂ©nom, vienne dans le bar, vers les deux heures du matin, et elle restait lĂ , appuyĂ©e au comptoir, ce qui me causait une vive Ă©motion. J’étais d’ailleurs trop timide pour lui dire quoi que ce soit. C’était donc des grands moments de silence. S’agissant du fait divers, les circonstances de l’intrigue ont fait que, assez vite, l’idĂ©e du crime, liĂ©e au narrateur non encore dĂ©fini, s’est manifestĂ©e. Je dois nuancer l’idĂ©e du mot fait divers ce qui est vu comme un fait divers je ne m’en prĂ©occupe pas durant l’écriture. Le fait divers, c’est l’évĂ©nement vu de l’extĂ©rieur, par la presse, la radio, le reportage. Ce que j’ai conçu, ou ai tentĂ© de concevoir, c’est un regard, non de l’extĂ©rieur, mais de l’intĂ©rieur dans ce cas, l’histoire se raconte sous le couvert d’une affaire privĂ©e, qui relĂšve de l’intime. À cet endroit prĂ©cisĂ©ment — dans le passage de frontiĂšre entre intĂ©rieur – intimitĂ©, et extĂ©rieur – vu par tous —, se produit la coupure. En premier lieu, le narrateur exprime des choses personnelles, il fait part de ses sentiments, dĂ©taille les situations. Il est lui-mĂȘme le moteur de l’action dont le rĂ©sultat pourrait ĂȘtre lu, de l’extĂ©rieur, comme un fait divers. Mais celui-ci reste avant tout une concentration de sensibilitĂ©s antagonistes qui constituent l’histoire vue de l’intĂ©rieur. Le personnage qui agit ne sait pas qu’il obĂ©it Ă  une loi gĂ©nĂ©rale dont le cadre, vu de l’extĂ©rieur, tient dans un article de journal. Ici intervient la Loi, avec un L majuscule, qui ne laisse aucun rĂ©pit au criminel. Rien ne se produit sans la Loi. Quant au titre, il est venu aprĂšs mĂ»re rĂ©flexion, le temps que se reconstitue la logique du rĂ©cit, qui doit alors apparaĂźtre dans sa globalitĂ©. Quand un mot parmi d’autres rĂ©apparaĂźt dans chaque ligne, dans chaque paragraphe on peut dire C’est toujours de la mĂȘme chose qu’il est question. Ce mot apparu est le mot AdultĂšre. Je sais que ce vocable n’a rien de poĂ©tique, je ne sais qui il intĂ©resse, ce que je sais, c’est qu’il est partout. Il concerne chaque personnage, chaque action nĂ©e de cette prĂ©occupation de l’adultĂšre, consciente ou non. J’ai ressenti trĂšs fort Ă  ce moment-lĂ , aprĂšs avoir Ă©crit et réécrit l’ensemble, de maniĂšre dĂ©finitive, que rien ne pourrait remplacer ce titre, sinon au risque de dĂ©tourner le sens du propos. Le titre m’est apparu Ă©galement producteur rayonnant de sens, il recouvre des idĂ©es aussi fortes que la trahison par exemple, la passion, la tromperie, la destruction
 ensuite on peut y trouver des tas de choses, y compris l’idĂ©e de libĂ©ration, sachant que l’idĂ©e de l’adultĂšre peut ĂȘtre saisie sous diverses formes. N’oublions pas que c’est d’une histoire que nous parlons, avec ses personnages, ses points de vue multiples. En ce sens, je ne peux dire que le titre prĂ©cĂšde l’écriture, car il dĂ©finirait le projet que je me serais fixĂ©, alors que je ne me suis fixĂ©, honnĂȘtement, aucun projet de dĂ©part. Pour en venir au cƓur de votre roman, intĂ©ressons-nous tout d’abord, si vous le voulez bien, Ă  Jean Seghers, le narrateur et personnage principal d’une intrigue sans cesse mouvante dont il est l’acteur principal. PropriĂ©taire d’une station-service en faillite et redressement judiciaire, Jean est mariĂ© Remedios, jeune femme extrĂȘmement sĂ©duisante qui ne manque Ă©videmment pas de susciter le dĂ©sir. FidĂšle Ă  vos prĂ©cĂ©dents personnages, Jean paraĂźt avoir comme une voix blanche, comme frappĂ©e de ce qu’on nommait au 17e siĂšcle l’estrangement, Ă  savoir une maniĂšre non volontaire, mais comme innĂ©e, de se tenir Ă  distance depuis sa voix mĂȘme dans l’épaisseur des Ă©vĂ©nements. Il dĂ©clare notamment Je m’y suis pris d’un ton dĂ©sinvolte, suffisamment vague pour ne pas l’inquiĂ©ter. J’ai choisi de continuer comme si rien n’était advenu la nuit prĂ©cĂ©dente. » Diriez-vous que cette maniĂšre de se tenir comme Ă  l’écart de soi, depuis sa propre Ă©nonciation, fonde votre personnage et plus largement prend l’estrangement comme loi narrative mĂȘme ? Est-ce que vous seriez d’accord pour affirmer que tout se passe comme si sa vie se tenait Ă  l’extĂ©rieur de lui, dans une distance non critique mais ontologique dont chacun fait porte la marque ? Je ressens trĂšs fort cette notion de coupure entre les ĂȘtres, et plus prĂ©cisĂ©ment, la coupure entre le narrateur, Jean Seghers, et les situations vĂ©cues par lui. Disons que ce personnage du narrateur se prĂ©sente sous quelques traits, qui sont censĂ©s dĂ©finir un peu de lui-mĂȘme, je dirais avec le strict nĂ©cessaire. Il a enfilĂ© les habits de pompiste, il a des comportements personnels liĂ©s Ă  sa situation affective vis-Ă -vis de sa femme Remedios, aussi dans sa relation avec son entourage, et c’est tout. Il est au plus prĂšs des Ă©vĂ©nements, qu’il suscite parfois en fonction du contexte, mais une chose est certaine, il Ă©tablit une distance avec l’action, et il agit avec froideur face Ă  son entourage. Il n’est nullement question Ă  ce titre de commentaire critique de la sociĂ©tĂ©, par exemple. Tout cela c’est en toile de fond. C’est sans doute ce qui provoque l’isolement du narrateur d’autant plus prĂ©sent qu’il vit les Ă©vĂ©nements sous la forme gĂ©nĂ©rale d’une certaine indiffĂ©rence. Ce qui le place, Ă  mon sens, hors du jeu, alors que, paradoxalement, il en est le foyer incandescent. Je dois, ici, prĂ©ciser que je ne dĂ©veloppe pas ce que ressent le narrateur. Je pense que cet Ă©cart entre lui et l’évĂ©nement, dont il est proche malgrĂ© tout, est non seulement nĂ©cessaire mais indispensable au traitement de la situation. Ce qui range Jean Seghers dans une position inamovible. Cette position me permet, quand j’écris, de conduire l’histoire. Ce n’est pas Jean Seghers qui va m’éclairer sur la scĂšne que je dois projeter, au contraire, il m’échappe, et cet endroit oĂč il m’échappe est le fossĂ© qui le sĂ©pare des situations vĂ©cues par lui. La parole d’étrangetĂ© de Jean Seghers ne surgit en vĂ©ritĂ© comme telle qu’à la faveur, comme dans vos prĂ©cĂ©dents rĂ©cits, d’un subtil contraste celui de sa propre capacitĂ© Ă  ne pas adhĂ©rer au rĂ©el. De fait, sa femme Remedios et l’enquĂȘtrice au nom prĂ©destinĂ© de Hunter se posent en contrepoint radical au narrateur fĂ©minines, perspicaces et critiques, elles s’offrent comme autant d’antithĂšses Ă  l’hĂ©bĂ©tude et le caractĂšre presque hagard de Seghers. Ma question sera double ici en quoi, tout d’abord, vous apparaissait-il nĂ©cessaire, afin de souligner la singularitĂ© de votre protagoniste, de le confronter Ă  des figures si opposĂ©es ? L’essentiel rĂ©side dans la confrontation. Au dĂ©part, Seghers ne fait rien d’autre qu’observer, regretter, rĂ©flĂ©chir. Progressivement cependant, il entre en contact, puis c’est la rupture brutale. Vous parlez de deux protagonistes, ce sont deux femmes, et je ne vois personne d’autre qu’une femme pour le confronter Ă  ses propres difficultĂ©s. Sa femme, il la soupçonne. Et l’inspectrice en assurances, il cherche Ă  la subvertir. Il entre alors, Ă  mon sens, dans un domaine qui n’est plus le sien. Il comprend parfaitement, mais en aveugle, ce que dit Hunter, oĂč elle veut en venir, et il gĂšre dans une certaine mesure la situation. MĂȘme s’il y apparaĂźt bien naĂŻf et le plus souvent ridicule. Qu’importe, il continue. Il en va autrement avec Remedios, sa femme, chez qui la fidĂ©litĂ© fait apparemment dĂ©faut, et que j’ai quant Ă  moi, en tant qu’auteur, relĂ©guĂ©e dans l’ombre, et lĂ , c’est le retour de la question qui ne concerne plus Jean Seghers, mais l’auteur-narrateur. Ma seconde interrogation porte sur la question parfois trĂšs vite, trop rapidement avancĂ©e, de l’ironie au sujet de vos romans on a ici le sentiment qu’au contraire, Seghers, loin d’avoir une attitude ironique Ă  l’égard de ce qui l’entoure, est au contraire totalement littĂ©ral. En seriez-vous d’accord ? Je dois envisager le fait que le personnage s’installe progressivement dans l’écriture, qu’il y prend sa place en se dĂ©finissant. L’évolution du rĂ©cit, c’est les actes de Jean Seghers, et rien d’autre. Ces actes produisent une infinitĂ© de consĂ©quences, mais je dois dire qu’il n’est pas conscient de cela. Tout ce qui serait pensĂ©, par exemple l’ironie, est mis de cĂŽtĂ©. Seuls les actes comptent. C’est ainsi qu’il se dĂ©finit. Il n’a aucun recul, il avance et il dresse des plans, contourne les obstacles et vit une existence matĂ©rielle, peuplĂ©e de rendez-vous, de problĂšmes de gestion, de rapports domestiques. La coupure, c’est plus tard, quand il enfreint la rĂšgle, j’avais dit la Loi. S’agissant toujours des personnages, arrĂȘtons-nous un instant si vous le voulez bien sur le choix des noms des personnages. Chacun apparaĂźt comme une profonde singularitĂ©, comme si chaque nom dĂ©paysait l’autre. La femme se prĂ©nomme Remedios comme la peintre cubaine Remedios Varos, l’enquĂȘtrice s’appelle littĂ©ralement Hunter, solitaire et chasseresse comme le titre du roman de Carson McCullers ou encore le prĂ©sident du tribunal de commerce s’appelle Walden comme le personnage de Henry David Thoreau. S’agissait-il pour vous de proposer, au-delĂ  du clin d’Ɠil et de l’évident aspect ludique, une clef de lecture possible de chacun des personnages ? Je n’adopte un personnage que lorsque celui-ci, celle-ci s’impose Ă  tel point que
 Mais pour qu’il soit acceptĂ©, je dois lui trouver un nom, et ce nom, c’est presque indĂ©finissable, aurais-je tendance Ă  dire. Cela signifie que je dois le ressentir, et veiller Ă  ce qu’il ne se rĂ©sume pas Ă  une clĂ© qui nous donnerait la solution. Mais il reste que tout nom est Ă©vocatoire, fait penser Ă  quelqu’un, Ă  quelque chose, renvoie chacun Ă  sa propre expĂ©rience. Je me permettrais de livrer ici que le nom participe de ma rĂȘverie d’auteur, et j’ai le sentiment que je prĂ©lĂšve chez d’autres auteurs une part de leur gĂ©nie, Ă  mon profit. Si vous me parlez de l’inspectrice en assurances, Hunter, je ne peux me sĂ©parer de Carson Mc Cullers, je pense Ă  son roman Le cƓur est un chasseur solitaire, et je pense aussi Ă  La nuit du chasseur de David Grubb. Je crois que ce dernier est un roman malĂ©fique. Évidemment, nous pouvons ajouter l’adaptation cinĂ©matographique, avec Robert Mitchum. Quand je m’approprie ce nom, Hunter, j’ai le sentiment de la phrase juste. Quelque chose d’inaliĂ©nable vient de se produire, je ne peux plus changer. À propos de Seghers, j’ai regardĂ© plus tard, pour vĂ©rifier, qui fut Seghers, alors inutile de faire un croquis, le nom me plaĂźt. Concernant Carson McCullers, j’ai dans un endroit privilĂ©giĂ© de ma bibliothĂšque, dans un recoin, ces deux autres auteurs il y a Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, Harper Lee, et il y a aussi Les braves gens ne courent pas les rues, Flannery O’connor. Ces trois romans sont un gisement inĂ©puisable. Ma question suivante voudrait revenir sur l’intrigue policiĂšre que nous Ă©voquions plus haut et qui donne Ă  AdultĂšre son Ă©nergie narrative. Elle vient croiser une intrigue amoureuse ou plutĂŽt une intrigue de dĂ©ception amoureuse, celle d’un adultĂšre bientĂŽt Ă©vident de Remedios. L’intrigue policiĂšre semble rĂ©pondre d’un double mouvement, celui qui, dans un premier temps, permet Ă  Seghers d’ourdir sa machination, puis dans un second temps, Ă  rebours, celui de Hunter qui entend dĂ©couvrir le responsable de l’incendie qu’elle estime d’emblĂ©e criminel. Pourtant, AdultĂšre ne s’épuise jamais dans une quelconque formule policiĂšre. Tout paraĂźt plutĂŽt rĂ©pondre bien plutĂŽt Ă  cette remarque de Hunter Je constate, Seghers, encore une fois, que vous laissez derriĂšre vous quantitĂ© de petites phrases souvent trĂšs vagues, presque incomprĂ©hensibles, sujettes Ă  interprĂ©tation, qui peuvent ĂȘtre reçues Ă  l’occasion comme des menaces dĂ©guisĂ©es. » Diriez-vous ainsi qu’AdultĂšre use d’une intrigue policiĂšre pour mieux interroger un rapport inachevĂ© Ă  la rĂ©alitĂ©, un rapport oĂč ce ne sont pas tant les actes que le rapport mĂȘme au rĂ©el qui pose question ? C’est cette image qui m’apparaĂźt l’effet boule de neige, pour donner un sens particulier Ă  cette idĂ©e d’adultĂšre. DĂšs lors que, dans la cellule familiale, s’installe la trahison — si encore on dĂ©finit l’acte d’adultĂšre comme une trahison, ce dont je ne suis absolument pas certain —, tout s’accumule autour du noyau faute, et tout se dĂ©veloppe Ă  partir de cette perturbation. La boule de neige grandit chaque Ă©vĂ©nement y adhĂšre, alors, il n’y a plus de place pour le reste, qui devient, dans l’écriture secondaire, mais nĂ©cessaire l’intrigue policiĂšre. Et au bout du compte, l’extrĂ©mitĂ© de tout cela, c’est la description, Ă  force, de la personne de jean Seghers. Je pense qu’un roman policier peut ĂȘtre construit de cette façon, mais cela ne signifie pas que le roman AdultĂšre soit un roman policier. Il n’est policier en rien. Le plus important, c’est les agissements de tous ces gens convoquĂ©s par l’auteur, alors qu’ils n’ont rien demandĂ©. Que l’un ou l’autre croise un moment donnĂ© la justice des hommes au sens large du terme, c’est normal, c’est le rapport Ă  la rĂ©alitĂ©. Celle-ci est aussi judiciaire. Mais pas seulement. Ce qui ne manque Ă©galement pas de frapper Ă  la lecture d’AdultĂšre, c’est la puissance d’évocation des descriptions. Un imaginaire cinĂ©matographique se dessine ici notamment pour Ă©voquer cette station-service qui paraĂźt soudainement plus amĂ©ricaine que française. Et si les images se tiennent comme autant de trouvailles filmiques, c’est aussi Ă  un art serrĂ© du sĂ©quençage cinĂ©matographique qu’emprunte votre Ă©criture, notamment dans les chutes des chapitres, leurs cliffhangers puis leurs relances au dĂ©but des chapitres suivants. Diriez-vous ainsi qu’une part de l’imaginaire ainsi que l’art du dĂ©coupage tĂ©moignent chez d’une Ă©criture aux accents filmiques, inspirĂ©e du cinĂ©ma ? Je devrais utiliser, pour vous rĂ©pondre, le lexique du cinĂ©ma, comme vous le faites Ă  juste titre, et c’est explicite. C’est le problĂšme de l’image. J’en arrive Ă  me dire que c’est une succession d’images que j’ai dans les yeux, ou devant les yeux, et que je n’ai d’autre ressource que le verbe pour transmettre ces images. Aussi, dans la mesure oĂč j’ai l’intention de les transmettre, je me dois d’ĂȘtre le plus prĂ©cis possible. J’en arrive donc, de nouveau, Ă  la genĂšse, c’est-Ă -dire que je dois avoir vĂ©cu la situation de maniĂšre intime pour Ă©voquer en termes concrets le dĂ©roulement de ces images, qui peuvent ĂȘtre, je vous l’accorde, cinĂ©matographiques. J’attends donc pour avancer, en principe, que le souvenir se convoque de lui-mĂȘme, sans que je le force. Il y a, en prioritĂ©, cette image affective de la patronne de la station-service, qui apparaissait au milieu de la nuit quand je travaillais comme pompiste de nuit, et nous parlions, et j’en Ă©tais Ă©mu. La preuve. Ce que je veux dire, c’est que le lecteur-trice n’est pas seul-e Ă  lire le rĂ©cit en utilisant le filtre des codes cinĂ©matographiques, je crois que moi aussi, mais si je me rĂ©fĂšre Ă  des romans qui prĂ©cĂšdent la naissance du premier film, je me rends compte que c’est toujours ce mĂȘme filtre qui me sert d’outil de lecture, et donc, d’interprĂ©tation. Je me sens trĂšs Ă©loignĂ© des mĂ©tiers du cinĂ©ma, par exemple si on parle de scĂ©nario ou de story-board. Cela n’a rien Ă  voir avec ma dĂ©marche. Je cherche la concision, mais dans la description, qui est Ă  mon sens, une opĂ©ration mentale, dont je dois scruter l’efficacitĂ©, et la vĂ©ritĂ©. j’allais oublier, il y le rapprochement avec l’idĂ©e du montage. Enfin ma derniĂšre question voudrait porter plus largement sur le rĂŽle de l’image dans votre Ă©criture. AdultĂšre s’ouvre, on s’en souvient, sur deux images que contemple Seghers, deux photos de sa femme qu’il scrute et qui exercent sur lui une fascination sourde – comme une Ă©nigme qui lui rĂ©siste. On ne peut manquer de penser Ă  ce que vous Ă©criviez prĂ©cisĂ©ment au sujet de Bernard Plossu il y a peu ici mĂȘme dans Diacritik Les images ne connaissent pas de fin, elles happent la rĂ©alitĂ©, un coin de l’univers, un dĂ©tail, qui leur confĂšre leur puissance, ainsi des atomes en train de se fissurer. Elles possĂšdent cette Ă©nergie miraculeuse du passant pris sur le vif, qui s’offre au regard du photographe ou lui Ă©chappe, l’ignore. » Diriez-vous ainsi que ces photos de Remedios, Ă  l’entame du rĂ©cit, dĂ©clenchent par leur fascination l’intrigue mĂȘme dans laquelle Seghers se prĂ©cipite ? Au dĂ©but, oui, il est plutĂŽt question de l’image photographique. Je n’entre pas dans les dĂ©tails car ce serait trop fastidieux, trop long. Mais c’est Ă  relever, et je n’y suis pour rien, je veux dire que je n’avais aucune intention, en dĂ©but d’écriture, concernant cette photo de sa femme
 Je retiens votre question qui ouvre chez moi comme un mystĂšre. Je devrais pouvoir expliciter cela, mais ce sera incomplet je crois qu’il y a dans cette photo une rĂ©alitĂ© qui se pose en tant que telle l’amour, Venise, la jeunesse, le regret et j’ai besoin pour dĂ©marrer d’une rĂ©alitĂ© stable, d’un fondement. La photo s’est alors prĂ©sentĂ©e. Elle devient ce rectangle de papier glacĂ© qui contient un nombre infini d’informations, qui, toutes conduisent vers la nostalgie, et c’est cette idĂ©e qui a perdurĂ© la sensation du paradis perdu. Ce que je trouve cruel, c’est que que cela sous-entend l’idĂ©e de faute originelle, et quand le narrateur passe son temps Ă  manipuler cette image, surgissent quantitĂ© d’autres souvenirs qui vont de l’échec de son entreprise Ă  l’éventualitĂ© de l’échec avec sa femme. Je crois alors que je tiens toute une histoire sous la forme d’un microcosme, et c’est Ă  mon sens le meilleur moyen de dĂ©crire Jean Seghers sans qu’il ait Ă  parler, Ă  exprimer verbalement quoi que ce soit. Un second point, je crois que la photo contient tout le monde, je veux dire, tous les protagonistes ils ne sont pas nombreux, qui vont arriver. Elle est un condensĂ©, et puis c’est l’image d’une femme, cette femme est aimĂ©e, dĂ©sirĂ©e, voilĂ  ce que je pourrais vous rĂ©pondre l’objet photo se suffit Ă  lui-mĂȘme. Il est idĂ©al car il m’évite tout commentaire. Ou si peu. Je rĂȘve de voir cette photo en vrai. Je rĂȘve de voir qui est cette femme, ainsi qu’il advient parfois quand je regarde moi-mĂȘme nos photos. J’ai l’impression que c’est une ouverture. Yves Ravey, AdultĂšre, Minuit, mars 2021, 144 p., 14 € 50 — Lire un extrait
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2Prisoner’s Dilemma, HarperCollins, New York, 1996, p. 313.; 14 Car en un second mouvement, analogue Ă  celui qu’amorce le narrateur investi dans la simulation, le texte attire le lecteur en lui dĂ©crivant un monde Ă  sa ressemblance, un monde auquel il peut croire. L’instrument le plus Ă©vident de ce rapprochement est sans nul doute le rĂ©gime massivement autobiographique du
1 Si la fiction contemporaine se laisse difficilement rĂ©duire Ă  un seul paradigme, une rĂ©surgence attestĂ©e du mimĂ©tique, que ce soit en rĂ©gime autobiographique ou narratif, inflĂ©chit nĂ©anmoins le rapport du littĂ©raire au rĂ©el. Bon nombre de ces romans reconduisent sans complexe l'illusion romanesque, illusion dirait Henri Godard qui donne une prĂ©sence dans notre imagination Ă  un monde qui imite notre monde sans se confondre avec lui » Godard, 2006 11. D'autres romans, ceux qui m'intĂ©ressent, revoient l'hĂ©ritage rĂ©aliste par le biais du paradoxe — du moins est-ce lĂ  l'hypothĂšse Ă  l'origine de ma rĂ©flexion —, oĂč il s'agit de reconduire la dimension mimĂ©tique du racontĂ© tout en tissant, en parallĂšle, sa dĂ©construction par des accrocs plus ou moins accusĂ©s Ă  la vraisemblance. Ou, pour le dire autrement, d'instaurer une tension savamment entretenue entre l'illusion romanesque et sa dĂ©nonciation, l'exemple le plus probant de ces derniĂšres annĂ©es Ă©tant Histoire de Pi de Yann Martel 2002 qui rĂ©ussit Ă  faire croire Ă  cette odyssĂ©e d'un jeune homme en canot de sauvetage en compagnie d'un grand fauve, alors mĂȘme que ses interlocuteurs la mettent expressĂ©ment en doute. 2Je porterai Ă  votre attention aujourd'hui deux fictions savantes qui exploitent deux axes de crĂ©dibilitĂ©, l'un contestant l'existence de Dieu alors que l'autre voudrait convaincre de l'existence du diable. Les jeux d'Ă©rudition autour d'un abbĂ© de l'an mil dans Si Dieu existe d'Alain Nadaud 2007, comme la structuration intertextuelle spĂ©culaire de Un homme dĂ©fait de Roger Magini 1995, permettent de dĂ©ployer tout un ensemble de stratĂ©gies autour de manuscrits anciens au statut ambigu qui prennent valeur d'artefact et viennent en quelque sorte authentifier la fiction. Encore renforcĂ©e, dans les deux cas, par la mise en scĂšne d'un Ă©crivain qu'on voit Ă©voluer dans son milieu, par la description prĂ©cise de lieux rĂ©els, par une intrigue plus ou moins foisonnante mais qui sollicite des schĂ©mas convenus — la liaison amoureuse, le dĂ©roulement chronologique, etc. —, l'illusion mimĂ©tique opĂšre pourtant Ă  l'inverse lĂ  oĂč Si Dieu existe sollicite constamment un vraisemblable gĂ©nĂ©rique pour la conforter, Un homme dĂ©fait n'a de cesse d'interroger le clivage entre la rĂ©alitĂ© et la fiction pour accrĂ©diter l'invraisemblable diĂ©gĂ©tique. 3On fait souvent de la fiction lettrĂ©e, celle qui s’écrit Ă  partir de la bibliothĂšque, le parangon d’une littĂ©rature postmoderne, Ă©mancipĂ©e d’une textualitĂ© intransitive et qui redĂ©couvre l’emportement narratif, comme l’affirme Bruno Blanckeman qui note une attraction pour des illusions romanesques filtrĂ©es par une double mĂ©moire celle des modĂšles de fiction classiques dont se maintiennent les traditions [
] ; celle de la distanciation spĂ©culaire, gĂ©nĂ©ralisĂ©e par une littĂ©rature moderne dont sont dĂ©noncĂ©es les apories mais assumĂ©s les acquis » Blanckeman, 2008 432. Il faut bien voir cependant que cette fascination du dĂ©jĂ -lĂ  dĂ©passe le strict recyclage de formes et relĂšve tout autant d’un imaginaire de la trace authentique » Huglo, 2007 7 caractĂ©ristique de notre temps, qui cherche Ă  rĂ©actualiser le passĂ©. Marielle MacĂ©, dans cette perspective, lie ce recours Ă  la trace Ă  une crise de l’intrigue Bien des proses contemporaines se nourrissent [
] d’une culture considĂ©rĂ©e comme trĂ©sor collectif et espace de rĂȘverie Ă©rudite, c’est-Ă -dire d’un imaginaire » de l’archive plutĂŽt que d’archives proprement dites langages rares, divertissements philologiques, objets vieillis, goĂ»t des documents dans leurs aspects les plus matĂ©riels reliques, photographies, papiers divers, etc., voluptĂ© de l’antique », comme disait Leiris, associent les livres brefs de Pascal Guignard, GĂ©rard MacĂ©, Pierre Michon notamment. Ces proses construisent autant de musĂ©es imaginaires, d’espaces synchroniques oĂč les objets trouvĂ©s voisinent comme dans un cabinet de curiositĂ©s MacĂ©, 2007 47. 4En marge de cet espace littĂ©raire qui se met en scĂšne dans une quĂȘte mĂ©morielle, mais redevables tout autant d’une pareille fascination du manuscrit — qu’il soit inventĂ© ou réécrit —, les fictions de Nadaud et de Magini jouent d’une double posture qui rĂ©actualise le document sans rien sacrifier de la dynamique narrative et le fictionnalise par le jeu spĂ©culaire. Cette tension, au cƓur du procĂšs mimĂ©tique engagĂ©, met ainsi en relief, pour mieux les dĂ©construire, les procĂ©dĂ©s du vraisemblable. Un manuscrit inventĂ© Si Dieu existe d'Alain Nadaud 5Ce plus rĂ©cent roman de Nadaud, son douziĂšme, s'inscrit dans le droit fil d'une dĂ©marche cohĂ©rente, menĂ©e depuis les annĂ©es 1980, et qui explore de maniĂšre systĂ©matique les Ă©crits fondateurs de l'humanisme occidental pour en tirer des fictions irrĂ©sistibles de finesse et de sapience, mais rĂ©solument accessibles en vertu d'un art narratif rompu aux codes du prĂ©sent. Dans un article intitulĂ© Alain Nadaud voyage au centre de l'Ă©criture, l'Ă©criture au centre du voyage », Rosa Galli Pellegrini montre bien que l'ensemble de l'Ɠuvre de Nadaud relĂšve d'une interrogation sans cesse relancĂ©e du patrimoine documentaire Il s'agit d'une rĂ©flexion constante sur l'Ă©laboration de la mĂ©moire historique Ă  partir de documents, annales, chroniques et tĂ©moignages des contemporains tel est le matĂ©riau que l'auteur reproduit, cherchant des rĂ©fĂ©rences historiques vraisemblables, dans un foisonnement incessant de pastiches documentaires. L'auteur se prĂ©vaut d'une ample connaissance de la littĂ©rature philosophique et historique, qui le porte surtout Ă  se mouvoir dans la pensĂ©e des prĂ©socratiques et dans l'historiographie post hellĂ©nique, qui lui permet de crĂ©er des fictions et des piĂšces Ă  l'appui tout Ă  fait acceptables. L'Ă©rudition devient ainsi un Ă©lĂ©ment principal de l'Ɠuvre, quasiment un personnage Pellegrini, 2005. 6 Si Dieu existe relĂšve d'une pareille exigence, Ă  la diffĂ©rence prĂšs qu'il s'agit ici de reprendre tout un pan de la tradition thĂ©ologique1. PrĂ©sentĂ© sous la forme d'une vie de Saint Anselme racontĂ©e par un de ses disciples prĂ©fĂ©rĂ©s, le texte, qui s'apparente Ă  un codex mĂ©diĂ©val en huit livres », s'ouvre sur un avertissement, placĂ© en Ă©pigraphe Cette Vita Anselmi a Ă©tĂ© Ă©crite par Clermont de Chartrette. Qui cachera ce livre, le dĂ©truira ou effacera cette indication, qu'il soit anathĂšme, /amen » Nadaud, 20072. Un savant dosage de faits historiques attestĂ©s vient colorer la fiction Anselme Aoste, futur archevĂȘque de CantorbĂ©ry, a bel et bien Ă©tĂ© Ă  la tĂȘte de l'Abbaye du Bec, en Normandie ; toute son Ɠuvre thĂ©ologique cherche Ă  fonder rationnellement la foi chrĂ©tienne, notamment en formulant plusieurs preuves de l'existence de Dieu. Son ouvrage majeur, le Proslogion, sert Ă  rĂ©futer le moine Gaunilon, qui considĂ©rait que l'existence de Dieu Ă©tait indĂ©montrable. Une Vie de Saint Anselme, signĂ©e par le moine Eadmer, existe aussi bel et bien elle a Ă©tĂ© publiĂ©e en 1994 aux Éditions du Cerf3. Tous ces Ă©lĂ©ments sont dĂ©veloppĂ©s par l'anecdote, qui recrĂ©e l'atmosphĂšre du monastĂšre du Bec et de son scriptorium, avant le dĂ©part d'Anselme Ă  CantorbĂ©ry, lequel est accompagnĂ© dudit Eadmer, lui-mĂȘme rival du fictif Clermont de Chartrette, qui prĂ©cise Tu constateras, lecteur, si jamais tu as sous les yeux la Vita Anselmi que rĂ©digea Eadmer, qu'il y a grande diffĂ©rence avec celle que tu t'apprĂȘtes Ă  parcourir. La sienne en est la version officielle, sainte et imagĂ©e, pleine de dĂ©votion, de propos Ă©difiants et billevesĂ©es. Elle est truffĂ©e de ces miracles dont il prĂ©tend avoir Ă©tĂ© le tĂ©moin, alors que pour se rengorger il nous abuse. [
] La biographie d'Eadmer Ă©tant, sous ce rapport, une malfaçon, il est de mon devoir de ne pas renoncer Ă  y faire contrepoids SDE 13-14. 7L’interpellation du lecteur vient encore renforcer l’illusion du rĂ©el en proposant un pacte Ă©nonciatif plausible Clermont de Chartrette lui-mĂȘme insiste sur la distance qui sĂ©pare son texte de celui d’Eadmer — attestant du coup l’existence rĂ©elle de la Vie de Saint Anselme rĂ©digĂ©e par ce dernier —, et incite son lecteur Ă  juger de l’écart. Ce faisant, il dĂ©porte la question de l’authenticitĂ©, le texte historique devenant une pure fiction, entachĂ©e par le recours au registre hagiographique, alors que sa propre Vita Anselmi prend des accents, sinon de vĂ©ritĂ© du moins de fiction vraisemblable, prĂ©cisĂ©ment par son ambition affichĂ©e de rĂ©tablir les faits. Cette posture Ă©nonciative mimĂ©tique se voit encore renforcĂ©e par deux traits la prĂ©sence d’un Ă©diteur » qui agit en quelque sorte comme une caution externe, et le registre autobiographique du narrateur qui vient fragiliser l’authenticitĂ© de la fiction biographique d’Eadmer, en faisant de Chartrette un tĂ©moin privilĂ©giĂ© de la vie d’Anselme en mĂȘme temps qu’une victime dudit Eadmer, qui aurait tentĂ© de lui voler ses Ă©crits et de le discrĂ©diter auprĂšs de ses pairs. Cette imbrication des Ă©critures du bios, oĂč l’on atteste la valeur de la biographie par une inscription autobiographique, induit certes un brouillage de la frontiĂšre qui partage le rĂ©el de la fiction ; elle vient en outre, et de maniĂšre paradoxale, attester de la valeur de vĂ©ritĂ© de la Vita Anselmi du narrateur. Le fictif devient ainsi plus rĂ©el que le vrai. 8À cet Ă©ventail de stratĂ©gies qui accrĂ©ditent la fiction vient s’ajouter une panoplie de procĂ©dĂ©s qui indexent le pastiche tout en le dĂ©nonçant de maniĂšre subtile. Un appareil de notes, parfois signĂ©es de l'Ă©diteur, vient Ă  l'occasion prĂ©ciser une rĂ©fĂ©rence SDE 122, 134,147, 158, 182 ou signaler la postĂ©ritĂ© de l'argument ontologique d'Anselme SDE 18, confortant ainsi la part factuelle du rĂ©cit alors que d'autres notes reconduisent, Ă  l'inverse mais en usant des mĂȘmes codes, l'existence inventĂ©e » du manuscrit de Clermont, en le situant parmi d'autres de ses Ă©crits, tout aussi fictifs il va sans dire SDE 144, ou en montrant la distance qu'il prend en regard du texte d'Eadmer SDE 230. 9Une pratique paratextuelle intitule systĂ©matiquement en italiques les segments narratifs sur le modĂšle des textes de l'Ă©poque, par exemple De l'animositĂ© qu'Eadmer voua Ă  Clermont et de l'ignominie qui s'ensuivit » SDE 211, ou Abandonnant toute prĂ©vention, Anselme passe Ă  l'acte » SDE 147, ou encore Des effets dĂ©lĂ©tĂšres que provoque l'existence de la pensĂ©e sur des esprits mal prĂ©parĂ©s » SDE 98. De tels intertitres, souvent ironiques, auraient pu laisser soupçonner l'existence d'un Ă©diteur qui serait intervenu sur le manuscrit et en aurait confirmĂ©, en quelque sorte in absentia, l'existence ; cet Ă©diteur, encore perceptible par les mentions rĂ©currentes, en dĂ©but et en fin de chapitre — Ici commence le livre premier » SDE 21 et Ici s'achĂšve le livre huitiĂšme » SDE 231 —, ne fait toutefois que reprendre des pĂ©riphrases du texte mĂȘme de Clermont ; au final, cette stratĂ©gie d'attestation se voit encore contrecarrĂ©e par le titre du roman, Si Dieu existe, alors qu'en principe nous lisons la Vita Anselmi de Chartrette. 10Enfin, un jeu de rĂ©fĂ©rences croisĂ©es, en latin et en français, vient renforcer le caractĂšre vraisemblable dudit manuscrit, tout en le minant par l'imbrication, encore une fois, du vrai et de l'inventĂ©. PersillĂ© d'expressions latines — les terreurs annoncĂ©es du millesimus annus SDE 21, la rĂšgle bĂ©nĂ©dictine ora et labora SDE 47, le clocher juxta moren prioris SDE 64 — ou de descriptions prĂ©cises de lieux ou d'activitĂ©s la salle capitulaire, le scriptorium, les codex cousus avec des fils tressĂ©s et recouverts de robustes couvertures en peau de cerf [SDE 190], le texte incarne littĂ©ralement l'atmosphĂšre de l'abbaye. Toutefois, le fameux et bien rĂ©el Proslogion d'Anselme, qui circula anonymement, d'abord intitulĂ© Fides quaerens intellectum [
] puis, Ă  partir de 1083, sous le titre Alloquium de ratione fidei, et enfin sous celui, dĂ©finitif, de Proslogion » SDE 158, cĂŽtoie un ouvrage inventĂ© intitulĂ© Sur la chute du diable, qu'il aurait rĂ©digĂ© car il croyait avoir Ă©tĂ© jouĂ© par Cadule » SDE 144, personnage de la fiction. 11Mais c'est sans conteste par le biais de l'anecdote que prend vĂ©ritablement corps l'Ă©rudition au-delĂ  des allusions aux dĂ©bats philosophiques du Moyen-Âge, au-delĂ  des renvois aux dignitaires de l'Ă©poque, de Lanfranc Ă  Becket, de Guillaume le Roux au chevalier Herluin, fondateur de l'Abbaye, l'histoire personnelle du fictif Clermont de Chartrette vient prendre Ă  rebours l'autoritĂ©4 de la preuve ontologique d'Anselme. Ce moine orphelin, malgrĂ© son impiĂ©tĂ© avouĂ©e, deviendra le confident d'Anselme, qui cherchera Ă  le convaincre de l'existence de Dieu par une preuve rationnelle ; mĂ©crĂ©ant et portĂ© Ă  la luxure, il ira jusqu'Ă  tuer ses tuteurs Cadule et Doremer, qui l'ont surpris en pleine activitĂ© de fornication amoureuse, actualisant ainsi une inversion de la pensĂ©e d'Anselme, qui consiste Ă  considĂ©rer l'existence comme une propriĂ©tĂ© des objets ». Ainsi Ă©crira-t-il, en conclusion Cet ouvrage, Ă  l'instant oĂč j'en rabats les ferrures, voilĂ  que j'ai conscience [
] que l'acte d'Ă©crire m'a ainsi donnĂ© corps, souffle, Ă©paisseur, et par consĂ©quent, Ă  moi aussi une existence, dont au dĂ©part je n'Ă©tais pas si assurĂ© ; [
] que grĂące Ă  ce livre, [
] je me retrouve avoir une rĂ©alitĂ©, qui n'est pas que passagĂšre ou fictive puisqu'elle s'est incarnĂ©e dans ces feuillets, grĂące Ă  la preuve qu'ils apportent tant que cet opuscule sera lu, de mon existence nul non plus ne peut douter SDE 240. 12L’ironie se fait ici singuliĂšrement mordante. Ce pauvre moine de l’an mil, appliquĂ© sans succĂšs avec Anselme Ă  restituer la fulgurance de la Parousie » SDE 138, aura du moins rĂ©ussi, strictement par l’écriture, Ă  s’incarner. L’autoreprĂ©sentation vient convaincre le personnage de sa propre existence et le dĂ©calque de l’archive qui le fait advenir ne peut, Ă  ce titre, ĂȘtre mis en doute. En affirmant de la sorte son statut de personnage de papier, le narrateur dĂ©construit l’édifice mimĂ©tique qu’il avait patiemment Ă©rigĂ© en reproduisant les codes discursifs et les conventions gĂ©nĂ©riques de l’époque, mais il renforce, ce faisant, son propos philosophique. L'enjeu de l'Ă©criture de Nadaud, semble-t-il, est de saturer cet Ă©cart qui va de l'imagination Ă  la fiction, pour reprendre les termes de Jean-Marie Schaeffer, par le biais de la feintise ludique, qui double le rĂŽle cognitif de la reprĂ©sentation d'une fonction pragmatique Si la fiction implique une feintise ludique, [dit Schaeffer] [
], le but du processus fictionnel ne rĂ©side cependant pas dans la feintise en tant que telle, dans l'imitation-semblant, mais dans ce Ă  quoi elle nous donne accĂšs » Schaeffer, 2002. Le pastiche, ici, sert un argumentaire Ă  somme nulle l'existence de Dieu, tout comme l'existence d'un pauvre moinillon abandonnĂ© par son maĂźtre, pillĂ©, humiliĂ© et meurtri par son rival, chassĂ© du cloĂźtre par ses frĂšres » SDE 240, ne peut s'affranchir de l'autoritĂ© des textes » SDE 237, qu'ils soient sacrĂ©s ou non. En dehors de l'Ă©criture, ni l'un ni l'autre n'ont d'existence. Un manuscrit réécrit Un homme dĂ©fait de Roger Magini 13 Si Dieu existe de Nadaud excelle au jeu du vraisemblable gĂ©nĂ©rique par un florilĂšge de stratĂ©gies qui en reconduisent l'ambition mimĂ©tique tout en l'inflĂ©chissant de maniĂšre subtile ; le roman de Roger Magini, Un homme dĂ©fait, entend plutĂŽt convaincre de l'existence du diable et joue ouvertement sur l'axe de l'invraisemblable diĂ©gĂ©tique. Au cƓur du propos, un manuscrit qu'un Ă©nigmatique Abbad Schatan s'approprie et transmet Ă  des auteurs cĂ©lĂšbres — Borges, Sabato, Echo, etc. —, qui se voient ensuite condamnĂ©s Ă  devenir aveugles et Ă  tout reprendre, tout redire, d'une maniĂšre diffĂ©rente » Magini, 1995 1875. 14L'intrigue est foisonnante et prolifĂšre au grĂ© d'une structuration en miroir. Une premiĂšre partie, en six chapitres numĂ©rotĂ©s, instaure le cadre narratif rĂ©aliste alors que Charley Melrose, journaliste montrĂ©alaise Ă  la pige qui prĂ©pare une sĂ©rie d'articles devant porter sur la vie d'un grand Ă©crivain, qu'elle intitulera MƓurs et coutumes d'une espĂšce originale scriba vulgarum HF 66, rencontre Ă  plusieurs reprises Ă©crivain pour le moment en panne d'inspiration. Elle Ă©crit donc un texte sur ce lui-mĂȘme en train d'Ă©crire un roman mettant en scĂšne un personnage nommĂ© Vittorio Grisi HF 49 Je compris enfin, dira la narratrice, pour quelle raison pouvait croire Ă  ses histoires elles devenaient rĂ©elles parce qu'il les organisait selon les lois du rĂ©el
 » HF 53. Melrose et fument les mĂȘmes cigarettes, boivent le mĂȘme Jack Daniel's ; ils partageront une nuit d'Ă©mois sexuels, ils iront ensemble passer quelques jours dans les Adirondaks, ou encore Ă  un cocktail organisĂ© par un richissime Ă©diteur. Et ils lisent les mĂȘmes livres Renaissance noire de Miklos Szentkuthy, le cĂ©lĂšbre Ă©crivain hongrois6, et la trilogie d'Ernesto Sabato — Le tunnel, Alejandra, qui contient le Rapport des aveugles », et L'ange des tĂ©nĂšbres. Je ne relĂšverai pas en dĂ©tail le substrat littĂ©raire qui nourrit l’anecdote ; je distingue ici strictement quelques-uns des Ă©lĂ©ments qui structurent la seconde partie du texte, intitulĂ©e Sans titre. 15Ce Sans titre s'avĂšre, dans les faits, un manuscrit en trois chapitres signĂ© et adressĂ© Ă  la journaliste dans une grande enveloppe brune » HF 101. Il s'agit d'une histoire Ă©chevelĂ©e, absolument invraisemblable, oĂč relate sa relation avec Abbad Schatan, mystĂ©rieux antiquaire d'origine libanaise, libraire et Ă©diteur, qui lui propose d'Ă©crire, moyennant rĂ©munĂ©ration, un livre sur le monde des tĂ©nĂšbres HF 105. vulgaire gribouilleur » HF 44, va l'Ă©crire, rĂ©fugiĂ© au chalet des Adirondacks, et devenir, selon les termes du pacte, aveugle Finalement — je ne sus jamais si c'Ă©tait le jour ou la nuit — je dĂ©posai calmement ma plume. On n'imaginera jamais assez combien je fus heureux ou, peut-ĂȘtre, si le mot est trop fort, comment je me retrouvai dans cet Ă©tat, presque indĂ©finissable, proche de la fĂ©licitĂ©, qui me fit entrevoir que les mots avec lesquels j'avais Ă©crit et dans lesquels je m'Ă©tais reconnu avaient cessĂ© d'exister. / Le moment tĂ©nĂ©breux Ă©tait donc arrivĂ©. J'y Ă©tais enfin parvenu, envers tout et malgrĂ© tout
 — les signes n'avaient pas menti. Alors la nuit m'envahit parfaitement et le silence devint insupportable HF 198-199. 16L'histoire du monde des tĂ©nĂšbres Ă©crite par enchevĂȘtre l'univers rĂ©aliste du texte7 et le monde fantasmagorique de Sabato et Borges en une sorte de polar Ă©rudit façon Umberto Eco, oĂč une mystĂ©rieuse comtesse aveugle nommĂ©e Nastassia Rakosy – ou n'Ă©tait-ce pas plutĂŽt Nastassia Cazador ? – meurt dans un accident Ă©nigmatique maquillĂ© en suicide en se jetant sous les roues d'une voiture. En une suite de coĂŻncidences inouĂŻes HF 184, cette Nastassia, fille d'un comte serbe ruinĂ© et d'une croate marquise vĂ©rolĂ©e » HF 132, adoptĂ©e Ă  la mort de ses parents par un douanier amĂ©ricain qui avait aussi recueilli Vittorio Grizi le personnage du roman abandonnĂ© de — HF 138, deviendra la secrĂ©taire de Borges, Ă  qui elle dĂ©robera son manuscrit de El libro de arena et sa correspondance avec le poĂšte aveugle Robert Graves, pour les revendre, avec l'original de la Lettre sur les Aveugles Ă  l'usage de ceux qui voient de Diderot de 1749 et le manuscrit de Paradis perdu de John Milton que le poĂšte aveugle dicta Ă  une de ses filles en 1667 » HF 153, pour les revendre, donc, Ă  Abbad Schatan8. Au moment de son dĂ©cĂšs, ladite Nastassia projetait d'assassiner Ernesto Sabato, venu Ă  MontrĂ©al pour une confĂ©rence, et d'ainsi venger Maria Iribarne Hunter » HF 154, personnage du roman Le Tunnel de Sabato. Ouf ! 17Ces pĂ©ripĂ©ties enchaĂźnĂ©es — et bien d'autres passĂ©es ici sous silence —, par leur caractĂšre rĂ©solument invraisemblable, semblent Ă©loigner Un homme dĂ©fait de toute prĂ©tention mimĂ©tique. Pourtant, deux Ă©lĂ©ments majeurs viennent motiver ce rĂ©cit, dirait Genette, et en assurer l'alibi causaliste » Genette, 1969 979. Sur le plan diĂ©gĂ©tique, tous les Ă©vĂ©nements sont ramenĂ©s Ă  la figure d'Abbad Schatan, qui gĂšre le jeu et tire les ficelles, qu'il soit Ă  Buenos Aires, rue Notre-Dame Ă  MontrĂ©al ou Ă  Beyrouth la cohĂ©rence de l’intrigue est ainsi assurĂ©e puisque chacun des scĂ©narios exploitĂ©s peut s’arrimer Ă  une figure forte, Ă  l’origine de tous les dĂ©bordements. Mais c'est sans doute par la rĂ©flexion sur la rĂ©alitĂ© et la fiction qui revient en leitmotiv dans le discours du texte que s'opĂšre la motivation ; cette rĂ©flexion joue le mĂȘme rĂŽle que les thĂ©ories dans la fiction balzacienne, mis au jour par Genette Balzac, on le sait, a des thĂ©ories sur tout », mais ces thĂ©ories ne sont pas lĂ  pour le seul plaisir de thĂ©oriser, elles sont d'abord au service du rĂ©cit elles lui servent Ă  chaque instant de caution, de justification, de captatio benevolentiae, elles bouchent toutes ses fissures, elles balisent tous ses carrefours Genette, 1969 81. 18De fait, le rĂ©cit insiste constamment sur le peu de crĂ©dibilitĂ© des personnages dont on fait valoir le caractĂšre louche ou Ă©quivoque, comme il met de l’avant l’étrangetĂ© des Ă©vĂ©nements relatĂ©s et l’aspect surprenant des dĂ©nouements. Ce faisant, il donne un poids supplĂ©mentaire de rĂ©alitĂ© Ă  des incongruitĂ©s qu’on ne peut justifier autrement que par l’existence d’une conspiration qui traverse les Ăąges et les civilisations. Le scepticisme et la suspicion, rĂ©itĂ©rĂ©s Ă  chaque dĂ©tour, attestent paradoxalement l’improbable. En faisant du monde des livres un monde de tĂ©nĂšbres rĂ©gi par Abbad Schatan oĂč la rĂ©alitĂ© dĂ©passe l'entendement HF 180, 201, Un homme dĂ©fait montre que la littĂ©rature est une machination diabolique, un systĂšme parallĂšle » HF 112 menĂ© par des forces extĂ©rieures [qui] agissent sournoisement pour semer la confusion, l'entretenir et faire en sorte que des destins, si Ă©loignĂ©s soient-ils l'un de l'autre, se rejoignent Ă  un moment donnĂ©, prĂ©visible » HF 130. 19Ces propositions mĂ©tadiscursives servent Ă  dĂ©jouer la machination mais contribuent tout autant Ă  la relancer. JumelĂ©es Ă  la structure Ă©nonciative, qui emboĂźte les rĂ©cits, elles prennent figure de caution et permettent, paradoxalement, d'authentifier la rĂ©alitĂ© de la fiction. Tout comme Melrose, en premiĂšre partie, se fait garante de l'existence de celui-ci, dans son manuscrit, en reproduisant entre guillemets les rĂ©cits des autres protagonistes, reconduit en quelque sorte leur statut rĂ©aliste Bellaspina, le peintre italien, raconte comment la belle aveugle — Nastassia — s'Ă©tait proposĂ©e Ă  lui comme modĂšle HF 124-130 ; un article de journal relate la biographie hongroise de la belle tout comme les circonstances de sa mort ; Abbad Schatan lui-mĂȘme rĂ©vĂšle les larcins de Nastassia, tout comme il avoue qu'elle est morte sous les roues de la voiture de son assistant Abel Coleman typographe10 ; Roberto Echo, sĂ©mioticien de son Ă©tat, explique comment un señor Abbadon, rencontrĂ© en Argentine, lui a proposĂ© d'Ă©changer le manuscrit du deuxiĂšme livre de la PoĂ©tique d'Aristote contre l'inĂ©dit de Borges HF 173-188. Ces rĂ©cits croisĂ©s attestent encore de la circulation de trois documents — le manuscrit de Borges El libro de arena et deux incunables dĂ©robĂ©s Ă  la BibliothĂšque de France, le Speculum Historiale de Vincent de Beauvais, par Jean Hautfuney, Ă©crit sous la protection de Jean XXII en 1323, et l'Appendice Ă  la SuprĂȘme Apocalypse de Jorge de Silos, par l'ineffable Sado de Klem datant de 132011. Tous les fils sont attachĂ©s et n'a plus le choix en recevant ces documents, il devra reprendre le flambeau » et Ă©crire Ă  son tour selon l'injonction non signĂ©e transmise avec les documents Tout Ă  reprendre. Tout Ă  redire » HF 167. Cette intrigue enlevante, dont chacun des Ă©lĂ©ments est confirmĂ© — ou infirmĂ© — par des sources diffĂ©rentes, sollicite ainsi une vraisemblance pragmatique, dirait CĂ©cile Cavillac 199512, qui vient justifier la performance narrative en prĂ©cisant les circonstances de l'Ă©nonciation. La scĂ©nographie Ă©nonciative globale vient encore conforter le tout, alors que Melrose, aprĂšs avoir lu le manuscrit de dĂ©cide, en Ă©pilogue, de le ranger dans un endroit sĂ»r, Ă  l'abri de la convoitise des voleurs et des fanatiques de toutes les couleurs » HF 201. 20La cohĂ©rence de la narration vient en outre neutraliser tous les effets de l’invraisemblable et accentuer l’illusion mimĂ©tique, prĂ©cisĂ©ment par l’indexation constante des correspondances inĂ©dites, des coĂŻncidences inouĂŻes, des hasards inexplicables qui ne peuvent qu’accrĂ©diter, de maniĂšre paradoxale, l’existence d’une machination. L’érudition, figurĂ©e et thĂ©matisĂ©e par le vol de manuscrits, en est le rouage essentiel l’imaginaire de la trace qui prĂ©side au rĂ©cit, encore dĂ©doublĂ© par la mise Ă  l’abri du propre manuscrit de sous-tend la mise en intrigue d’une mĂ©moire de la littĂ©rature, nullement figĂ©e dans la bibliothĂšque, redynamisĂ©e par son inscription dans une histoire invraisemblable mais plausible, puisque construite Ă  mĂȘme des schĂ©mas aisĂ©ment identifiables, et qui incarne, littĂ©ralement, la conception contemporaine de la littĂ©rature. Un homme dĂ©fait peut ainsi se lire comme une allĂ©gorie de l'intertextualitĂ©, une vĂ©ritable machination tĂ©nĂ©breuse qui dĂ©possĂšde les livres et leurs auteurs, les premiers destinĂ©s Ă  la cuve oĂč le pilon les broie » HF 164, et les seconds emportĂ©s dans une spirale d'oĂč ils ne s'Ă©chapperaient jamais » HF 164, prenant conscience que les livres qu'ils avaient Ă©crits n'Ă©taient pas les leurs, qu'ils s'Ă©taient appropriĂ©s ceux des autres et rĂ©ciproquement » HF 164. Borges ne disait pas autre chose. 〜 ∞ 〜 21VolĂ©s, dĂ©truits ou transmis, authentiques, apocryphes ou canoniques, les manuscrits et autres incunables mis en scĂšne dans les deux romans Ă  l'Ă©tude endossent une double fonction, volontiers contradictoire, Ă  la fois garants de la rĂ©alitĂ© et dĂ©clencheurs d'imaginaire. Ces fictions du non-fictif » — pour reprendre en la dĂ©tournant l'expression de Jean Rousset Ă  propos du roman Ă©pistolaire Rousset, 1962 75 — engagent la littĂ©rature du cĂŽtĂ© de la réécriture, la prĂ©sentant comme un jeu de piste oĂč il s'agit d'apprĂ©cier les finesses de la reprise et l'ampleur de la visĂ©e. Pastiche ou allĂ©gorie, ces fictions Ă©rudites construisent des intrigues de second degrĂ©, ficelĂ©es avec aisance, et qui reconduisent l'illusion romanesque. 22En s'inscrivant dans la trace du manuscrit, Si Dieu existe et Un homme dĂ©fait miment la rĂ©alitĂ© du dĂ©jĂ -Ă©crit et l'enjeu de vraisemblance rĂ©side tout entier dans la question de la transmission du savoir. Dans les deux cas, un narrateur lettrĂ© construit un univers diĂ©gĂ©tique Ă  mĂȘme des Ă©lĂ©ments prĂ©existants, qu'il se targue de rĂ©vĂ©ler la vĂ©ritĂ© par le biais du tĂ©moignage direct, ou qu'il prĂ©tende avoir Ă©tĂ© le jouet d'une force supĂ©rieure. Dans les deux cas, une tension s'instaure entre l'illusion du rĂ©el et sa dĂ©construction, que ce soit, comme on l'a vu, par un savant dosage de rĂ©fĂ©rences Ă  des documents historiques et inventĂ©s, par un souci des conventions gĂ©nĂ©riques ou diĂ©gĂ©tiques de l'hypotexte, par une interrogation figurĂ©e et sans cesse relancĂ©e du partage entre la rĂ©alitĂ© et la fiction. Dans les deux cas, le vraisemblable est dĂ©gagĂ© du rapport au rĂ©fĂ©rent et versĂ© tout entier du cĂŽtĂ© de l'Ă©nonciation, dans la mesure oĂč, comme le dirait Fiona McIntosh, l'ambition du romancier n'est pas de donner l'illusion de l'existence effective des faits racontĂ©s dans la diĂ©gĂšse romanesque, mais plutĂŽt de nous faire croire en l'existence d'un narrateur qui Ă©tablirait le plus fidĂšlement possible les faits » 2002 149. 23En se plaçant ainsi sous le patronage de textes antĂ©rieurs, les deux romans remettent en cause, de maniĂšre distincte, la notion d'autoritĂ© narrative. Le pur hasard, Ă  moins qu'il ne faille y voir une machination tĂ©nĂ©breuse, a fait que l'un d'entre eux s'intĂ©resse Ă  l'existence de Dieu en contestant systĂ©matiquement toute forme d'autoritĂ©, qu'elle soit spirituelle ou textuelle, alors que l'autre fait du diable l'autoritĂ© suprĂȘme, qui gĂšre l'intĂ©gralitĂ© du patrimoine littĂ©raire. Notes 1 Deux romans antĂ©rieurs de Nadaud, L’iconoclaste 1989 et Le livre des malĂ©dictions 1995, exploraient dĂ©jĂ  l’hĂ©ritage religieux. 2 DĂ©sormais, les renvois Ă  la mĂȘme Ă©dition de ce roman seront signalĂ©s par la mention SDE suivie du numĂ©ro de page. 3 Comme nous l'apprend une note de l'Ă©diteur Un peu moins d'un siĂšcle aprĂšs la mort d'Anselme, la biographie de Clermont de Chartrette avait Ă©tĂ© mise de cĂŽtĂ©, et oubliĂ©e. C'est sur celle d'Eadmer, ainsi que sur les ouvrages de Jean de Salisbury et de Gilbert Crispin, que Thomas Becket, devenu Ă  son tour archevĂȘque de CantorbĂ©ry, se fonda pour entamer un processus de canonisation » SDE 14, note 1. Voir aussi la note 2 de la page 230. Pour un compte rendu rĂ©el » du texte d'Eadmer, on lira Jean-Claude Breton 1995. 4 Une autoritĂ© dĂ©clinĂ©e ici sous toutes ses formes, de l'autoritĂ© de la RĂ©vĂ©lation Ă  celle des PĂšres de l'Église, de l'autoritĂ© des textes Ă  l'autoritĂ© du magistĂšre, de celle du trĂŽne d'Angleterre Ă  l'autoritĂ© papale, etc. ; figurĂ©e, thĂ©matisĂ©e, l'autoritĂ© se voit souvent ironisĂ©e Or, c'Ă©tait bien dans l'obscuritĂ© de nos pauvres esprits que cette tentative avait vu le jour. MalgrĂ© la mĂ©diocritĂ© de nos conditions d'existence, voilĂ  que nous autres, ĂȘtres chĂ©tifs et imparfaits, affaiblis par les privations, assaillis par les morsures du froid comme par la dent des loups, qui avions le corps couvert d'engelures, de piqĂ»res d'insectes et de plaies suppurantes, [
] voilĂ  que, sans le secours des livres et avec les seuls moyens de notre intelligence, nous nous apprĂȘtions Ă  dĂ©montrer la rĂ©alitĂ© de Dieu en sa gloire, le pur Ă©clat de Celui qui est, infini, et de toute Ă©ternitĂ© » SDE 137-138. 5 DĂ©sormais, les renvois Ă  la mĂȘme Ă©dition de ce roman seront signalĂ©s par la mention HD suivie du numĂ©ro de page. 6 OrthographiĂ© ici avec un h supplĂ©mentaire, Szentkhuthy, renvoyant en clin d'Ɠil Ă  l'orthographe de Schatan. Miklos Szentkuthy 1908-1988, que l'on compare souvent Ă  Joyce, a publiĂ© entre autres, outre Renaissance noire paru aux Éditions PhĂ©bus 1991, En lisant Augustin 1996 et Robert baroque 1998 parus chez Corti. 7 Notamment par le rappel d'Ă©vĂ©nements de la premiĂšre partie, tels le travail de Ă  la maison d’édition ses rencontres avec Melrose, son dĂ©mĂ©nagement, la soirĂ©e chez l'Ă©diteur, le chalet de Blue Montain Lake, etc. 8 Avant de mourir sous les roues de la voiture, cette belle Nastassia s'Ă©tait fait peindre nue mais avec des lunettes d'aveugle par l'ami de le peintre Bellaspina, tableau qui se retrouvera Ă  la boutique Antiques et Incunables que tient Abbad Schatan Ă  MontrĂ©al HF 143. Pour les dĂ©tails de la vie de cette Nastassia fictive, voir HF 182-183. 9 Rappelons briĂšvement que Genette, dans son cĂ©lĂšbre Vraisemblance et motivation » extrait de Figures II, distingue trois types de rĂ©cits le rĂ©cit vraisemblable, Ă  motivation implicite, le rĂ©cit motivĂ© par des justifications plus ou moins restreintes, et le rĂ©cit arbitraire, sans motivation, pour ne retenir en bout de course qu'une seule distinction pertinente, celle du rĂ©cit non-motivĂ© qu'il soit vraisemblable ou arbitraire et du rĂ©cit motivĂ© Genette, 1969 98-99. 10 Abel Coleman [prĂ©cise encore le texte], digne reprĂ©sentant de la lignĂ©e des Koloman, instigateurs devant l'Éternel de l'attentat contre le bon roi BĂ©la II l'Aveugle, selon toute vraisemblance, et que je tairai, n'ayant ni le temps ni le courage d'aborder ce pan de l'histoire hongroise » HF 162. 11 Le premier existe bel et bien, le second est pure invention ironique. 12 MĂȘme s'il ne s'agit que de sacrifier de façon plus ou moins ludique Ă  une formalitĂ©, il faut justifier la performance narrative au nom du principe que l'on ne peut rapporter que des choses que l'on a apprises, en un mot, assurer au rĂ©cit une vraisemblance pragmatique, qui ne se confond ni avec la vraisemblance empirique des Ă©noncĂ©s, ni avec leur vraisemblance diĂ©gĂ©tique. Alors que la deuxiĂšme porte sur la conformitĂ© Ă  l'expĂ©rience commune, mesurĂ©e Ă  l'aune de la raison et/ou de l'opinion, et la troisiĂšme la cohĂ©rence de la mise en intrigue, la premiĂšre concerne la fictivitĂ© de l'acte de narration mode d'information du narrateur, circonstances de l'Ă©nonciation » Cavillac, 1995 24. Bibliographie BLANCKEMAN, Bruno 2008, Retours critiques et interrogations postmodernes », dans MichĂšle TOURET [dir.], Histoire de la littĂ©rature française du XXe siĂšcle, tome II aprĂšs 1940, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p. 425-491. BRETON, Jean-Claude 1995, Eadmer, moine de CantorbĂ©ry, Histoire des temps nouveaux en Angleterre. Vie de saint Anselme, dans L'Ɠuvre de saint Anselme de CantorbĂ©ry, tome 9, traduction française par Henri Rochais, Paris, Cerf, 423 pages », LTP Laval thĂ©ologique et philosophique, vol. 51, n o 2, p. 471-472. 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Ses recherches actuelles portent principalement sur les fictions contemporaines, qu'elles soient narratives ou biographiques, d’un point de vue thĂ©orique et critique. Elle mĂšne prĂ©sentement, avec AndrĂ©e Mercier de l'UniversitĂ© Laval, une recherche qui porte sur l'autoritĂ© narrative dans le roman et poursuit, avec Robert Dion de l'UQAM, l'Ă©tude du discours biographique. Pour citer cet article Frances Fortier 2009, Le roman mimĂ©tique Ă  la lumiĂšre de l'invraisemblable », dans temps zĂ©ro, nÂș 2 [en ligne]. URL [Site consultĂ© le 10 May 2019].
Les journalistes parlent au nom de la France, les journalistes parlent au nom des Français en permanence ; regardez la tĂ©lĂ©vision, ils prennent toujours Ă  partie les Français en disant les Français pensent que On parle de nous Ă  coups de sondages en permanence, on est sondĂ©s en permanence, on sait que les sondages sont faux, et toute l’argumentation des StĂ©phane Domeracki, enseignant au lycĂ©e Galatasaray d’Istanbul. Auteur de Heidegger et sa solution finale et des Nouveaux essais sur l’entendement inhumain, propose un droit d’inventaire de l’Ɠuvre d’Heidegger et des Ă©crits qui minorent sa violence. À paraĂźtre 100 reproches Ă  Jackie Derrida. Spectres de Heidegger , une relecture des Ɠuvres de GĂ©rard Granel, Reiner SchĂŒrmann ou Jean-Luc Nancy, Ă  l’aune des derniers volumes de la Gesamtausgabe, par Friedrich-Wilhelm von Herrmann, co-auteur avec Francesco Alfieri de La vĂ©ritĂ© sur ses cahiers noirs, publiĂ© par Philippe Sollers, aux Ă©ditions L’infini, Retour sur les malversation du dernier assistant de Heidegger, Friedrich Von Herrmann Le 2 aoĂ»t 2022 fut annoncĂ© le dĂ©cĂšs de celui qui fut le dernier assistant de Martin Heidegger, Friedrich-Wilhelm Von Herrmann. Depuis 1972, il Ă©tait dĂ©signĂ© pour appliquer ses consignes secrĂštes pour l’organisation de son Ɠuvre dite intĂ©grale, la Gesamausgabe, dont les derniers volumes ne devraient plus tarder. Mais dĂ©jĂ , de nouveaux Ă©crits hors Ă©dition dite intĂ©grale sont annoncĂ©s, ne serait-ce qu’un traitĂ© au nom ubuesque, Megiston. Il co-participe donc Ă  la publication de ces Ă©crits tronquĂ©s, dont certains passages sont dĂ©libĂ©rĂ©ment censurĂ©s pour tromper. Il est toutefois prĂ©sentĂ© comme celui ayant menĂ© Ă  bien une mission de superviseur scientifique » de cette Ă©dition, ce qui ne manque pas de sel si chacun veut bien se rappeler que la science ne pense pas. » Et du reste, le caractĂšre scientifique, scrupuleux, philologiquement parlant de cet ensemble, est tout Ă  fait douteux, de toute façon. La carriĂšre de ce monsieur a commencĂ© en 1961, avec une thĂšse de doctorat, dirigĂ©e par Eugen Fink, portant sur l’auto-interprĂ©tation de Martin Heidegger. » Or, ne serait-ce que le volume contenant les auto-relectures de Sein und Zeit par le penseur dans les annĂ©es trente a Ă©tĂ© publiĂ© dans les annĂ©es 2000. Il s’agit presque de l’acte fondateur de tous les travaux de ses admirateurs depuis cinquante ans prĂ©tendre proposer des Ă©crits d’expertise en n’ayant pas accĂšs Ă  tout le corpus. Ou bien alors ils y avaient accĂšs, et alors, cela signifie qu’ils Ă©taient mis au parfum concernant les textes les plus infects, mais devaient jurer de ne pas en dire un mot. Dans tous les cas, Von Herrmann faisait partie du cercle des trĂšs proches cooptĂ©s, qui, comme le peu regrettĂ© François FĂ©dier en France, Ă©taient volontaires pour mener Ă  bien une entreprise de malversation intellectuelle durable, par laquelle la sigĂ©tique heideggerienne faisait son trou. Les dommages causĂ©s par de telles activitĂ©s sont considĂ©rables, de tels auteurs Ă©tant rĂ©guliĂšrement pris au sĂ©rieux et pour leur Ă©rudition d’apparat, et pour leur proximitĂ© magique au maĂźtre. Leur carriĂšre repose Ă  chaque fois sur un mĂ©lange d’admiration et de soumission pour cet auteur surnazi comprendre dont le nazisme trouvait les nazis effectifs trop mous ils produisent moults volumes au mieux acritiques et hagiographiques, au pire complĂštement dithyrambiques et mensongers; dans son cas une quinzaine d’opus et toute une nĂ©buleuse d’articles et confĂ©rences pour cĂ©lĂ©brer celui qui trouvait nĂ©cessaire de criminaliser la juiverie ». De toute Ă©vidence, les heideggeriens orthodoxes », de stricte obĂ©dience, peuvent juste paraĂźtre ridicule, dĂ©sormais, la situation Ă©ditoriale rĂ©vĂ©lant avec une lumiĂšre trop crue l’ampleur du naufrage de leur prophĂšte. Mais quelques hommages sont distillĂ©s pour rendre hommage au travail acadĂ©mique de F-W Von Herrmann, pour la simple raison que certains confondent l’acribie nĂ©cessaire au vrai travail philosophique avec des formes d’allĂ©geance perpĂ©tuelles, et les revues scientifiques deviennent alors des rubriques nĂ©crologiques ou des livres d’hommages. Un essai nĂ©gationniste cosignĂ© avec Alfieri La vĂ©ritĂ© sur les cahiers noirs Nous ne pouvions que nous amuser du titre de l’ouvrage si journalistique, ce qui ne manque pas d’ironie toute la vĂ©ritĂ© sur.. »! RĂ©vĂ©lation exclusive! Comme il se doit, les rĂ©dacteurs ne manquent pas de multiplier les pointes censĂ©es ĂȘtre sarcastiques Ă  l’encontre des lecteurs critiques de leur idole comme Ă  l’encontre des journalistes, ce qui est toujours une façon maline de se mettre les lecteurs philosophes » dans la poche, beaucoup Ă©tant acquis d’avance Ă  la critique du journalisme, sans Ă©gards bien sĂ»r pour son rĂŽle primordial en dĂ©mocratie. Le Maestro de Brest Pascal David commet une postface, dans laquelle incite Ă  traduire Judentum par gĂ©nie juif » il serait loisible d’éclater de rire si le sujet n’était pas aussi grave. La vĂ©ritĂ© sur les Cahiers noirs un tel titre prĂ©tend donc nous expliquer le fin mot d’un ensemble de notes dĂ©crĂ©tĂ©es marginales – en les mettant bien Ă  part du reste des Ɠuvres. Or, tout montre au contraire qu’il n’y a aucune distance entre les traitĂ©s Ă©sotĂ©riques comme les BeitrĂ€ge ou L’histoire de l’ĂȘtre et ces carnets, les deux s’entre-alimentant bien au contraire. Que Von Hermann ait cru bon de tenter un tel cordon sanitaire en dit surtout long sur le caractĂšre dĂ©sespĂ©rĂ© de sa dĂ©marche, tant mĂȘme une lecture en diagonale suffit Ă  en montrer l’inanitĂ©. Mais les tentatives de minoration comme celles d’euphĂ©misation sont au fondement mĂȘme de toutes les carriĂšres universitaires ou non qui se sont faites Ă  la file de cette mĂ©tapolitique de l’extermination. Les horreurs qui se trouvent dans les Cahiers noirs sont du reste bien devenues des volumes de la Gesamtaugabe, dans les derniers volumes, comme s’ils Ă©taient plus ou moins son dernier mot, ses derniĂšres consignes. L’essai de Von Hermann et AlfiĂ©ri est une aberration, un dĂ©lit d’initiĂ©, avec faux et usage de faux traductions approximatives et orientĂ©es, textes tronquĂ©s, et surtout, oubli volontaire de tous les renvois aux traitĂ©s Ă©sotĂ©riques le but Ă©tant, c’est patent, de chercher Ă  les n’ai pas lu une ligne concernant l’important tome 69, en particulier le passage censurĂ© par le fils Heidegger et Peter Trawny, lequel est dĂ©cisif celui oĂč Heidegger s’interroge sur la prĂ©destination particuliĂšre de la communautĂ© juive mondiale au crime planĂ©taire ». Bien plutĂŽt les deux auteurs cherchent Ă  appuyer les critiques violentes contre l’AmĂ©ricanisme et la chrĂ©tientĂ© – comme si elles n’étaient pas intimement liĂ©es dans le dispositif historial », destinal » de la pensĂ©e de l’ĂȘtre Seyn Alfieri et son acolyte nous intiment de ne comprendre des passages entiers des Cahiers noirs qu’à partir d’autres passages des Cahiers noirs, dont ils multiplient les traductions alors mĂȘme que, par ailleurs, ils exigent de tout lecteur probe » de ne les lire qu’en connaissant tous les autres volumes prĂ©cĂ©dents. Mais comme c’est curieux, ils n’y renvoient jamais. C’est pourtant l’unitĂ© de la pensĂ©e suprĂ©maciste de Heidegger qu’il faut comprendre. Par exemple, nous allons le voir ne comprendre l’expression principe barbare » qu’à partir d’autres occurrences de ce terme, en arguant qu’ils ne se trouvent pas dans les autres volumes de la GA tactique minable mais qui peut sembler judicieuse pour dĂ©fendre sottement les autres volumes plus indirects dans leurs attaques antisĂ©mites. On imagine le brainstorming intensif pour trouver un moyen de montrer qu’en ces passages, Heidegger n’appellerait pas en vĂ©ritĂ© Ă  une cessation des demi-mesures » dont il accusait les nazis lors des annĂ©es trente, oĂč il estimait leurs tergiversations trop mollassonnes Ă  son goĂ»t.. Le propos grotesque de FĂ©dier, lors d’une confrontation avec Faye, selon lequel barbare » ne serait pas un terme apologĂ©tique, a donc encore de beaux jours devant lui. Von Hermann et son ami italien se sont posĂ©s en continuateurs. Il a mĂȘme Ă©tĂ© tentant pour lui de se poser en interlocuteur privilĂ©giĂ© – au mĂȘme titre que Barbara Cassin qui semble ne s’ĂȘtre jamais remise de sa rencontre avec le maĂźtre ; ainsi Von Hermann nous incite Ă  lire sa correspondance moisie avec son idole, laquelle n’apporte strictement rien aux enjeux vĂ©ritables des Cahiers noirs. C’est plus fort qu’eux il y a mĂȘme une photo, presque dĂ©dicacĂ©e, dans le plus pur style 52 photographies de Heidegger par FĂ©dier. Le phĂ©nomĂšne des groupies n’est pas propre qu’aux stars du Rock. Les heideggeriens se serrent les coudes dans l’adoration, et nous prennent mĂȘme pour des imbĂ©ciles en faisant semblant de se quereller ; ça et lĂ  dans l’essai, quelques piques Ă  Peter Trawny, – d’autres juste de circonstances Ă  Di Cesare ou Faye; il ne s’agit que de donner l’impression de ne s’en prendre qu’à celui qui a bien mal jouĂ© le rĂŽle du renĂ©gat, lequel ne propose pas les critiques les plus structurĂ©es et approfondies un adversaire commode, en somme. Les Ă©crits de Trawny constituent un tel false flag permettant de ne pas rĂ©pondre aux vraies critiques. Von Herrmann et Alfieri sur le nazisme comme principe barbare Ceux qui connaissent quelque peu la longue histoire du cas Heidegger connaissent une scĂšne assez fameuse de la confrontation qui avait eu lieu, dans l’émission tĂ©lĂ©visĂ©e BibliothĂšque MĂ©dicis, entre François FĂ©dier et Emmanuel Faye, reçus par le journaliste Elkabbach on pouvait assister, mĂ©dusĂ©s, Ă  l’évocation par le premier, pour la premiĂšre fois, de mystĂ©rieux Cahiers noirs, oĂč Heidegger – le mythe Ă©tait lancĂ©- ne cesserait de faire montre de sa fameuse rĂ©sisance spirituelle envers le nazisme, que son traducteur satisfait n’avait pas hĂ©sitĂ©, Ă  l’époque, Ă  rendre par la traduction socialisme-national. Un passage en particulier Ă©tait scandĂ© sur un ton triomphant Heidegger critiquerait le nazi comme Ă©tant mĂ» par quelque principe barbare. Emmanuel Faye avait eu l’intelligence de rapidement poser la question de savoir si la locution Ă©tait bien pĂ©jorative sous sa plume – et FĂ©dier de rĂ©pliquer, indignĂ©, comme si cela Ă©tait Ă©vident, que cela est bien entendu!
La seule certitude, c’est que la mĂȘme impression que cela va de soi va nous ĂȘtre assenĂ©e par AlfiĂ©ri, dont la fonction, au nom de tout le corps professoral de bon aloi, est de nous montrer, mĂȘme si cela va de soi, que Heidegger, en aucun cas, n’oserait faire l’apologie du nazisme, en particulier d’un nazisme authentiquement liĂ© Ă  quelque mission que ce soit, qui serait bien plus louable que, mettons, un national-socialisme qu’il jugerait vulgaire. Commençons par situer la pĂ©nible tentative de blanchissement par AlfiĂ©ri; elle se situe seulement entre les pages 125 et 130 – elle est expĂ©diĂ©e dans la partie de l’ouvrage oĂč il cherche Ă  traiter Ă  part tous les passages qui porteraient, suppose-til, sur le national-socialisme; sous-entendu si le mot n’apparaĂźt pas, c’est qu’il n’en serait pas forcĂ©ment question. Or, puisque Heidegger Ă©crit toujours par allusions, Ă  mots couverts quand il critiquait trĂšs spĂ©cifiquement le rĂ©gime effectif, dans les annĂ©es trente, ne serait-ce que pour ne pas finir Ă  Dachau en cas de perquisition; nous ne pouvons donc souscrire Ă  ce premier Diktat hermĂ©neutique, le mĂȘme que celui qui concerne le judaĂŻsme, du reste, dont ce genre d’auteur se proposent complaisamment de considĂ©rer qu’il n’y aurait qu’une dizaine de thĂ©matisations dans les Cahiers noirs et les autres Ă©crits de ces annĂ©es-lĂ . Quiconque a lu sĂ©rieusement Heidegger sait pertinemment que c’est l’auteur qui use et abuse le plus de clins d’oeils permanents, sachant bien que sa visĂ©e ultime impliquerait une discrĂ©tion extrĂȘme de la part des protagonistes. Alors, mĂȘme s’il s’agit d’analyser, et en cela, effectivement, de trier par types et thĂšmes les Ă©crits d’apparence dĂ©structurĂ©s de ces annĂ©es-lĂ , cela signifie surtout qu’il faut relier entre les textes pour dĂ©plier leur sens. Alfieri ne se gĂȘne pas pour faire son petit assortiment, nous allons en faire autant, et chacun se fera son impression. Mais Ă©tudions d’abord ses propositions – – impositions, puisqu’il dĂ©crĂšte que quiconque ne suit pas ses interprĂ©tations dĂ©choierait de ses reponsabilitĂ©s de philosophe, rien de moins. Dans son essai, le passage portant sur le principe barbare est prĂ©cĂ©dĂ© par un autre, non moins douteux, sur lequel toutefois AlfiĂ©ri passe trĂšs vite, oĂč il est pourtant Ă©crit de façon dĂ©cisive que le nazisme peut contribuer Ă  Ă©tablir une nouvelle position fonciĂšre Ă  l’égard de l’ĂȘtre » Seyn Rien de moins. Au mĂȘme titre, disons, qu’Aristote, Leibniz ou Nietzsche. Sachant que le dernier terme, Seyn, constitue littĂ©ralement le Graal, le rĂ©fĂ©rent-maĂźtre de sa pensĂ©e, qu’il n’y a pas plus mĂ©lioratif sous la plume de Heidegger, on comprend pourquoi notre hermĂ©neute-en-chef dĂ©guerpit au plus vite face Ă  la difficultĂ© insurmontable pour sa dĂ©monstration pro domo, et se hĂąte de passer au cas de la barbarie, pressĂ© qu’il est d’exhiber ses petites trouvailles, lesquelles permettraient d’exonĂ©rer son hĂ©ros. De ce passage, donc, pas un mot, AlfiĂ©ri ne cherchant pas franchement Ă  voir comment un rĂ©gime appelant au meurtre des Juifs pourrait, de quelque façon que ce soit, apporter de quoi surmonter l’ontologie propre au premier commencement pervertit par l’helleno-judĂ©ochristianisme. Il se dĂ©pĂȘche plutĂŽt vers le fameux Le nazisme est un principe barbare. Telle est son essence propre et son Ă©ventuelle grandeur » Grösse Dans mon ouvrage Heidegger et sa solution finale j’avais choisi de traduire plutĂŽt par potentielle grandeur, au sens oĂč, clairement, Heidegger a attendu quelque chose du nazisme, mĂȘme s’il l’a vite accablĂ© de ses sarcasmes privĂ©s. N’oublions jamais que dans la republication aprĂšs guerre, en 1953, d’Introduction Ă  la mĂ©taphysique, il a bien sauvegardĂ© le propos final sur la mission intime du nazisme mĂȘme s’il semblerait qu’il manque la derniĂšre page du cours dans le manuscrit
 Le choix du terme Eventuelle a la mĂȘme fonction que la plupart des autres tentatives d’AlfiĂ©ri tout au long de son ouvrage euphĂ©miser, Ă  n’en plus finir. Mais l’opĂ©ration de prestidigitation a lieu en un Ă©clair, il s’agit donc d’ĂȘtre attentif, lorsque notre interprĂšte se hĂąte de cacher la poussiĂšre sous le tapis Il faut commencer par noter que la tournure le national-socialisme est un principe barbare » n’apparaĂźt pas ailleurs dans les Ă©crits de Heidegger » Ce qui est tout simplement faux, Ă  moins, bien entendu, de dĂ©crĂ©ter que les lettres privĂ©es de Martin Heidegger ne sont pas des Ă©crits. Et ils seraient nombreux, en particulier le postfacier-pianiste Pascal David, Ă  ĂȘtre tentĂ©s de vouloir expulser les lettres des oeuvres de Heidegger. Or, ce serait lĂ  un acte grossier de dĂ©nĂ©gation, surtout que ce dernier a traduit et publiĂ© les lettres Ă  Hannah Arendt, intĂ©grĂ©es Ă  la prestigieuse collection Gallimard BibliothĂšque de philosophie comme celles Ă  Blochmann – – ce qui ne sera pas le cas des Cahiers noirs, qui le seront Ă  la collection L’infini, comme pour les mettre Ă  part, alors qu’il s’agit bien d’authentiques volumes voulus dans la Gesamtausgabe. La liste des malversations Ă©ditoriales devient vertigineuse. L’expression douteuse qui nous intĂ©resse ici se trouve bien dans une lettre dĂ©cisive de la correspondance entretenue avec le sĂ©millant Kurt Bauch. Ce charmant nazi spĂ©cialiste d’histoire de l’art, rĂ©sidant en Hollande mais traitant, dans une lettre, les NĂ©erlandais de harengs, -sans que son correspondant ne s’en offusque le moins du monde- a pu recevoir des mises au point dĂ©cisives de son Heidegger, notamment en ce qui concerne l’usage d’un Deckname comme Seyn. Ici, la locution est reprise mais lĂ©gĂšrement dĂ©placĂ©e, dans un extrait de correspondance qu’AlfiĂ©ri et ses acolytes connaissent forcĂ©ment Le nazisme serait beau en tant que principe barbare – mais il ne devrait pas ĂȘtre aussi bourgeois » lettre du 7 juin 1936 J’ai soulignĂ© Ă  dessein l’expression employĂ©e, car, nous verrons, cela sera dĂ©cisif pour nous amener Ă  faire ce qu’il conviendra face Ă  la tentative de l’interprĂšte un soulĂšvement d’épaule. Il cherchera en effet Ă  jouer sur le sens du mot Grösse, grandeur, en montrant que ce terme Ă©tant par endroit pĂ©joratif sous sa plume, alors il ne s’agirait pas d’ĂȘtre dans l’apprĂ©ciation de la mission interne du rĂ©gime. Mais nous y reviendrons. Contentons-nous pour l’instant de constater la cohĂ©rence de Heidegger, lequel s’en prend rĂ©guliĂšrement au libĂ©ralisme des agents nazi, dont il dĂ©plore les tendances frileuses, petites-bourgeoises, Ă  la demi-mesure y compris avec ses amis, voire son propre frĂšre. Mais revenons au pas en retrait de notre interprĂšte de l’universitĂ© de Latran, consistant Ă  ne surtout pas prendre en compte les textes mettant en danger son montage Ă  dĂ©charge. Fort de son dĂ©cret, il peut se proposer une mĂ©thode de travail pour le moins rĂ©volutionnaire, consistant Ă  chercher les autres occurrences du mot barbare dans les Cahiers noirs, parce que, oui, c’est bien entendu, cela va de soi, la comprĂ©hension de son usage ici en serait forcĂ©ment facilitĂ©. Et – divine surprise!- les usages de ce terme auraient tendance Ă  le disculper, ou en tout cas Ă  bien montrer tout le mal qu’il pense, c’est bien entendu, du nazisme. Bon. Ce n’est peut-ĂȘtre pas aussi simple et commode que le souhaite ardemment AlfiĂ©ri, nous allons le voir. Las lorsqu’il se hĂąte d’évoquer un extrait provenant volume 95, Martin Heidegger consigne par exemple que le sĂ©rieux de la pensĂ©e n’est pas l’affliction et la rĂ©crimination sur des temps prĂ©tendument mauvais et sur une barbarie menaçante » nous n’avons pas franchement l’impression que Heidegger ressente quelque gĂȘne que ce soit Ă  l’égard du principe barbare Ă©voquĂ© plus haut, et du pĂ©ril que ferait peser le dĂ©ploiement de la barbarie dans divers camps dissĂ©minĂ©s dans le Reich. Il m’a mĂȘme tout l’air de lancer lĂ  une invective Ă  l’encontre de ceux qui, quelque peu effeminĂ©s, seraient refroidis par les rumeurs d’actes de barbaries qui n’ont pas manquĂ© d’ĂȘtre Ă©voquĂ©es ça et lĂ  pendant les annĂ©es trente. Et si Alfieri ne choisissait pas Ă  dessein les passages qui l’arrange, afin de perpĂ©trer la lĂ©gende grotesque d’un Heidegger rĂ©sistant il aurait pu Ă©voquer celui-ci, absent de ses interprĂ©tations, et pourtant bien prĂ©sent dans le volume 94 des Cahiers noirs sur lesquels il prĂ©tend se focaliser Le plus grand danger n’est pas la barbarie et la dĂ©cadence, car ces Ă©tats peuvent conduire Ă  une plus haute issue – et ainsi Ă  une situation d’urgence. » GA94, Loin de dĂ©plorer la torture de civils, la dĂ©portation de familles entiĂšres, et la multiplication des crimes odieux, Heidegger y voyait au contraire une voie vers la transition vers ce nouveau commencement dont il rĂȘvait tant, lui qui mettrait fin Ă  l’engeance judĂ©o-chrĂ©tienne; Ă  ses yeux, seule une crise violente permettrait le divorce total, sans quoi celle-ci se perpĂ©tue sous d’autres formes, dont le nazisme vulgaire en serait paradoxalement une forme insigne. L’expression plus haute issue est bien cohĂ©rente avec l’extrait de lettre Ă  Bauch Ă©voquĂ© plus haut, et cadre surtout avec le topos du surpassement de la mĂ©taphysique qu’il perpĂ©tuera tranquillement aprĂšs guerre, par exemple dans les extraits rassemblĂ©s dans Essais et confĂ©rences sous le nom de DĂ©passsement de la mĂ©taphysique. La suite du passage stipule que Le plus grand danger est la mĂ©diocritĂ© ambiante et l’ordonnancement uniformisant avant tout – que ce soit sous la forme de l’activitĂ© la plus vide, aussi bien que celle apparemment convenable, – mais qui ne participe de rien de plus que de l’honnĂȘtetĂ© requise. » Bien entendu, il ne s’agit qu’un de ces trĂšs nombreux tĂ©moignages oĂč nous voyons Heidegger fulminer contre la tendance Ă  la demi-mesure Halbheit du rĂ©gime national-socialiste pendant les annĂ©es oĂč la solution finale n’était pas encore mise en Ɠuvre, et oĂč il dĂ©plore benoĂźtement le fait que les autoritĂ©s ne lui ont pas prĂȘtĂ© l’attention qu’il est persuadĂ© de mĂ©riter de la part des autoritĂ©s, des SA et autres SS, lesquels, bizarrement, n’en avaient cure. Mais il s’agit surtout pour lui de se plaindre du manque de radicalitĂ© ambiante, lui qui s’attendait Ă  une violente rupture avec ce qui avait cours avant l’arrivĂ©e au pouvoir d’Adolf Hitler. Le rationnel-socialisme l’expression rageuse est de lui, ratio suggĂ©rant encore le calcul, l’escompte, l’enjuivement des divers protagonistes officiels le fait enrager, tant il n’atteint pas encore l’objectif final qui seul permettrait de larguer les amarres loin du judĂ©o-christianisme, mais au contraire continue de consacrer son esprit enjuivĂ© de comptabilitĂ©. Partout, il ne voit Ă  l’Ɠuvre que la mĂ©diocritĂ©, comme dans cet extrait plus tardif du volume 96, pas citĂ© non plus – c’est ballot- par AlfiĂ©ri Le vraiment dĂ©paysant qui doit monter Ă  l’époque de l’achĂšvement des temps modernes, c’est-Ă  dire de la dĂ©couverte, conquĂȘte et maĂźtrise de la terre, est le gigantesque de la mĂ©diocritĂ© en tout. Ainsi, chacun est protĂ©gĂ© mais est aussi en mĂȘme temps utilisĂ© comme moyen du pouvoir. La culture » qui est mĂȘme dĂ©jĂ  une formation moderne et la barbarie » valent autant, indĂ©pendamment de leurs diffĂ©rences, l’une tenant lieu de l’autre. À partir de lĂ , tout le passĂ© est en consĂ©quence recalculĂ© de façon Ă  exprimer les buts » posĂ©s » du futur ». Ainsi, cette crainte se grave dans l’infantilisme qui craint une Ă©poque de la barbarie ». D’autant plus qu’elle ne viendra pas. »GA96, p. 201 La barbarie ne semble effroyable aux yeux de Heidegger qu’en tant qu’elle ne se dĂ©ploiera jamais vraiment, ce qu’il a l’air de vivement regretter, tant, pour des raisons punitives, il aimerait qu’elle soit infligĂ©e Ă  ceux qui ne font que renforcer ce qui est selon lui son envers – la culture. Notons au passage qu’il touche ici Ă  une extrĂ©mitĂ© rouge-brune bien dure Ă  admettte, y compris par moi-mĂȘme, puisqu’il est difficile de ne pas penser Ă  l’affirmation de Walter Benjamin selon laquelle il n’est pas de tĂ©moignage culturel qui ne soit en mĂȘme temps tĂ©moignage de barbarie. Mais pour ne mettre personne mal Ă  l’aise, et parce qu’il n’est pas vraiment question de cela ici, contentons-nous plutĂŽt de songer Ă  ce sinistre nazi qui Ă©tait tentĂ© de sortir son revolver chaque fois qu’il entendait le mot culture. Le terme est plus violemment attaquĂ© par Heidegger que le mot qui nous intĂ©resse ici finalement, barbarie semble utilisĂ© en un sens bien plus laudatif que Kultur, terme honni par tout national-socialiste, qu’il soit vulgaire ou spĂ©culatif, comme nous le voyons. Mais Francesco Alfieri, prenant bien soin de ne pas Ă©voquer les textes qui fĂąchent, prĂ©fĂšre certainement vĂ©rifier d’autres occurrences de barbarie, en l’espoir de pouvoir noyer tout de mĂȘme le poisson. Et nous ne pouvons que le fĂ©liciter pour son astuce, car c’est relativement bien trouvĂ©, il paraĂźt Ă©vident que son montage fera florĂšs auprĂšs de beaucoup de lecteurs qui n’auront pas toujours les moyens de vĂ©rifier ses assertions. L’autre passage de GA95 qu’il tient Ă  Ă©voquer stipule La meilleure protection contre le danger [
] qu’une telle barbarie de la pensĂ©e » se voie nĂ©anmoins contrainte un jour de reculer. » ibid. Si pensĂ©e est mis entre parenthĂšses, c’est trĂšs certainement qu’il s’agit de celle auquel le penseur de Messkirch n’accorde pas ce titre de noblesse, ce label, rĂ©servĂ© Ă  la pensĂ©e ontologico-historiale. Preuve en est qu’il espĂšre que son emprise diminuera. Notons qu’Alfieri propose l’extrait coupĂ©, et qu’il ne le traduit pas in extenso dans les pages oĂč il propose des extraits entiers, permettant vĂ©rifications et recoupements orientĂ©s, alors que lui, contrairement Ă  moi, Ă©tant publiĂ© par Gallimard, n’aurait aucun problĂšme de droits. Il cite d’autres courts extraits sur lesquels nous reviendrons, notamment de GA97, et se dĂ©pĂȘche d’affirmer qu’il n’y aurait que cinq rĂ©fĂ©rences, dont une oĂč le mot Barbarei n’apparaĂźt pas – mais je m’étais aussi, dans mon pamphlet, demandĂ© si le terme Entwilderung, que j’avais d’abord rendu par fĂ©ralisation, puis par ensauvagement pouvait ĂȘtre liĂ© Ă  la barbarie. Cet aspect retiendra par la suite notre attention, puisqu’il sera en effet question d’une certaine sauvagerie, laquelle aurait Ă©tĂ© pensĂ©e comme nĂ©cessaire, au coeur mĂȘme des spĂ©culations de Heidegger. En quĂȘte d’extrĂȘme, le penseur radical estime que les nazis n’avaient pas pleinement dĂ©ployĂ© ce Ă  quoi ils Ă©taient destinĂ©s, missionĂ©s par le destin Plus de demi-mesures et de compromissions qui n’apportent plus rien – nous devons remonter complĂštement en amont Ă  l’insurrection et ainsi Ă©prouver dans son intimitĂ© la sauvagerie et la tourmente. » GA94, Il est tout simplement impossible de faire l’impasse sur ce terme clĂ©, insurrection, Aufstand, pour comprendre quoi que ce soit du rapport de Heidegger au nazisme et au judaĂŻsme – – et du coup encore moins ces propos prĂ©cis sur la barbarie et/ou la sauvagerie. L’ouvrage que j’ai rĂ©digĂ© il y a deux ans a proposĂ© diverses approches de ce terme auquel je renvoie ici. Pour ce qui nous intĂ©resse, contentons-nous de remarquer que Heidegger, portĂ© par une conviction incapable de la moindre concession, mĂ©prise plus que tout les demi-mesures du nazisme des annĂ©es trente, celui du concordat et des recherches de financement. La sauvagerie n’a pas l’air ici aussi de l’inquiĂ©ter outremesure, il semble mĂȘme l’appeler de ses voeux. aurait-elle des vertus purgatrices, cathartiques? Se confond-elle avec cet initial qui le fait tant fantasmer, et servirait de contrepoint inespĂ©rĂ© contre les affreux raffinement de la culture? Le sauvage est-il ce qui permettrait de rĂ©sister Ă  la dĂ©chĂ©ance auquel mĂšne immanquablement l’oubli de l’ĂȘtre, propre Ă  ceux qui n’osent pas l’ĂȘtre, et sont mĂȘme inaptes Ă  l’oser? Voire qui diffusent un mode d’ĂȘtre favorisant son esquive? Seule certitude AlfiĂ©ri n’en parle pas du tout, ce qui est fort pratique, encore une fois. Comme de procĂ©der Ă  des raccourcis extrĂȘmement rapides; aprĂšs avoir Ă©voquĂ© deux autres passages oĂč il est question de la barbarie et du nazisme, il se fĂ©licite de constater que revient le terme danger » Gefahr qui se laisse facilement rattacher au national-socialisme et Ă  sa philosophie dans la mesure oĂč celle-ci suit la logique » traditionnelle de la pensĂ©e commune et des sciences exactes » » Tout ici est, d’une certaine façon, consternant. Tout d’abord, le terme facilement montre Ă  quel point l’interprĂšte ne s’embarrasse pas avec le lecteur Ă  convaincre, et l’incite Ă  procĂ©der aux raccourcis qu’il se propose lui-mĂȘme. Alors que le Gefahr, comme de nombreux autres concepts heideggeriens, ne se laisse pas dompter en une tournemain par les tentatives de comprĂ©hension, nous apprenons que la critique du nazisme serait ici facile Ă  saisir. Redoublement de la consternation ce que dit AlfiĂ©ri est valide, puisque c’est justement parce qu’il refuse la logique, la validitĂ© et la science, que Heidegger critiquerait le nazisme. Consternation au cube nous voilĂ  amenĂ©s Ă  rĂ©diger ne serait-ce qu’à titre de paraphrase, comme notre interprĂšte que les dĂ©lires raciologiques et idĂ©ologiques de la peste brune auraient quoi que ce soit Ă  voir avec la logique tradionnelle et les sciences exactes. Nous devrions donc fĂ©liciter le grand penseur pour son refus du mouvement criminel de Hitler et consorts- – non parce qu’il fut barbare il ne le fut Ă  ses yeux, au contraire, pas suffisamment, mais parce qu’il aurait Ă©tĂ© trop logique et scientifique, ce qui serait le vrai danger, alors que tout ceci aurait Ă©tĂ© salvateur si cela avait Ă©tĂ© engagĂ© au nom de l’ĂȘtre! Comme chacun le sait, attaquer la Pologne et brĂ»ler des familles juives, passe encore, mais par contre, tomber dans une scolastique digne de Saint Thomas ou privilĂ©gier les rĂ©sultats d’une Ă©quipe de recherche du CNRS, c’est lĂ  le cauchemar absolu, le danger. Combien de philosophes professionnels vont mĂȘme applaudir lorsqu’ils vont lire, ĂŽ sainte horreur, que les nazis auraient souscrits Ă  une logique propre Ă  la pensĂ©e commune ? Goebbels et Heydrich devaient, alors, vraiment ĂȘtre d’odieux personnages – – puisqu’ils n’ont rien compris Ă  Sein und Zeit, le nazisme Ă©tait vraiment dangereux! D’ailleurs, Ă  bien y penser, puisqu’Emmanuel Faye et moi-mĂȘme sommes censĂ©s ne rien avoir compris non plus Ă  la diffĂ©rence ontologique, eh bien nous voilĂ  plus proches des bourreaux nazis que Heidegger lui-mĂȘme, irrĂ©prochable! La pensĂ©e n’aurait rien Ă  voir avec ces criminels nĂ©cessaires, contrairement Ă  la philosophie, qui, empĂȘtrĂ©e dans la mĂ©taphysique, est elle-aussi un humanisme, selon le bon mot de Lacoue-Labarthe. Face Ă  tout ce fatras qui finit par faire systĂšme et qui a emportĂ© la conviction de tant de lecteurs, ne reste parfois que l’ironie. Mais, non, il faut toujours opposer la probitĂ© et l’acribie contre les montages hermĂ©neutiques perpĂ©tuant le camouflage philosophique de celui qui se rĂȘvait en Ă©minence grise du nazisme. La barbarie, c’est ce qui pourrait bien heureusement mettre fin Ă  l’éternel retour d’une certaine engeance, que la philosophie, comme la science, comme la pensĂ©e commune – – comme tout en fait! – ne fait que la perpĂ©tuer. D’oĂč un souhait bien lĂ©gitime d’y mettre fin, et de refuser toute philosophie nazie Une philosophie nationale-socialiste » est encore une philosophie » quand bien mĂȘme elle sert le nazisme », claudiquant comme pĂ©danterie pĂ©nible derriĂšre lui » GA94, Le contexte est bien sĂ»r celui d’un mĂ©pris permanent consignĂ© dans ses carnets par Heidegger Ă  l’encontre de tous ses adversaires-philosophes plus heureux que lui auprĂšs des autoritĂ©s nazies. Alfieri n’en touche mot, car ces petits persiflages jaloux ne mettent pas franchement en valeur son hĂ©ros. Jean-Pierre Faye, lui, y avait Ă  juste titre, et tĂŽt, fait rĂ©fĂ©rence. VexĂ© qu’on n’ait pas Ă©coutĂ© ses fadaises historiales, Heidegger multiplie les pointes contre les tenants d’un nazisme officiel qu’il met dĂ©s lors entre parenthĂšses, puisque ce n’est que celui vulgaire et effectif qui compose avec le principe de rĂ©alitĂ© – et la ratio- plutĂŽt qu’avec la radicalitĂ© fantasmĂ©e d’un surcroĂźt de barbarie ou de sauvagerie dĂ©s les annĂ©es trente. Alfieri croit donc pouvoir noter que le penseur prendrait lĂ  ses distances avec, je cite, le patrimoine intellectuel national-socialiste – superbe expression pour dĂ©signer les monstruositĂ©s juridiques Ă©chaffaudĂ©es par Hans Frank et consorts. Il se fĂ©licite mĂȘme aux lignes suivantes d’attaques contre un obscur Hans Heyse, censĂ© ĂȘtre philosophe de l’existence et nazi, ce qui, chacun l’aura compris, prouve bien que Martin Heidegger Ă©tait un rĂ©sistant spirituel, une sorte de Jean CavaillĂšs souabe qui aurait pu Ă  coup sĂ»r intĂ©grer La Rose Blanche. Il l’imagine tellement au dessus de la mĂȘlĂ©e qu’Alfieri est tout fier de nous citer les extraits oĂč, fanfaronnant cette anti-intraception qu’évoque Adorno dans ses Etudes sur la personnalitĂ© autoritaire, Heidegger se vante de refuser tout sentimentalisme, de ne pas s’affliger sur les temps prĂ©sents et la barbarie imminente, car la pensĂ©e remonte aux sources; Ă  contre-courant, le hĂ©ros invisible n’a au fond que faire de la pulvĂ©risation Ă  venir de millions d’individus, lesquels ont l’audace de ne pas ĂȘtre-le-lĂ , et de ne rien avoir compris Ă  son Hauptwerk. VoilĂ  bien un motif de mĂ©pris lĂ©gitime Ă  l’endroit de ceux qui remplissent, en bourreaux ou victimes, les charniers. Quel grand penseur, si concentrĂ©! Sans transition, l’interprĂšte italien saute une dizaine d’annĂ©es et passe directement aux textes de GA97, mais n’en parle que six lignes, juste pour dire, tout penaud, que c’est trop compliquĂ©, qu’il en parlera plus loin. Il y a bien heureusement, pour notre introducteur, bien plus facile, et il nous le dit Il est aisĂ© d’entrevoir que le fil conducteur qui relie les cinq passages analysĂ©s ci-dessus est la pseudo-philosophie », – Ă©lĂ©ment qui revient souvent en Ă©tant rĂ©fĂ©rĂ© au national-socialisme et aux fonctionnaires » de la culture – associĂ©e Ă  l’absence de pensĂ©e » Denken, qui par bien des aspects rapproche le national-socialisme et la modernitĂ© » En un clin d’oeil, Francesco Alfieri vient de siffler le rappel de tous les professionnels de la philosophie qui liront son chef d’oeuvre commun avec von Hermann quiconque ne serait qu’un littĂ©rateur, un journaliste, ou quelconque autre technicien de la culture ou de l’historicisme serait associĂ© avec Eichmann et d’autres Ă  tout autre fonctionnariat ou esclavage de l’étant et de la nonphilosophie, fut-il celui des machines de mort. La cause? Ne pas avoir assez fait de philosophie – si ce mot convient pour dĂ©signer la pensĂ©e heideggerienne, qui seule est valable, cela va de soi – ne pas avoir de philosophie, ce serait la cause du pire, notamment de toute dĂ©rive toujours insuffisante vers la barbarie. Petit malaise tout de mĂȘme pour ceux qui ont vraiment lu les Cahiers noirs et qui se souviennent pourtant que Heidegger a pu Ă©crire Ma philosophie » – au cas oĂč l’expression stupide serait utilisĂ©e » GA97, Alfieri n’évoque Ă©videmment pas ce passage, et prĂ©fĂšre conclure triophalement il pense avoir trouvĂ© le sens, dĂ©s lors, de l’expression principe barbare il dĂ©signerait une propension au fond fort commune, et le mot est faible Ă  ne pas Ă©couter Heidegger, c’est Ă  dire Ă  manquer la pensĂ©e de l’ĂȘtre. La proposition de PĂšre AlfiĂ©ri-Ubu a ceci de fĂ»tĂ©e qu’il est certes vrai au sens de valide, cela va sans dire que Heidegger voit bien dans le nazisme une version parmi d’autres d’empĂȘtrement dans la modernitĂ© technique, autrement dit dans la machination mondiale appendice du premier commencement perverti par le judĂ©o-christianisme. Le barbare Ă©tant l’étranger, le nazisme effectif serait une version maximisant un Ă©garement ancien, et sa propension Ă  la Mischung. Mais c’est lĂ  ce qu’Alfieri ne saurait voir que Heidegger a pu mĂ©diter cette maximisation de l’égarement comme une chance, un instant historial pouvant permettre la dĂ©cision, au sens oĂč lĂ  oĂč croĂźt le danger, augmenterait aussi ce qui sauve. C’est parce que les nazis intensifieraient ce qu’aurait de pire l’enjuivement ancestral, qu’ils seraient en mesure d’en pousser la criminalitĂ© dans ses ultimes retranchements, favorisant le passage, la transition vers le nouveau commencement. Donc si Heidegger Ă©voque bien le nazisme comme un principe barbare, c’est Ă  la fois pour le dĂ©plorer et le cĂ©lĂ©brer selon le contexte et l’humeur d’abord en en rappelant son origine toujours douteuse et dĂ©testable – – et d’autres part pour en Ă©voquer le caractĂšre salvateur, puisque le pire dĂ©racinement concernant le peuple le plus sombre et enracinĂ©, la violence de son versement forcĂ© dans la modernitĂ© amĂšnerait potentiellement l’évĂšnement enfin dĂ©-cisif appelĂ© de ses voeux par Heidegger. Puisqu’il s’agit de rĂ©gler son compte Ă  ce qui surdĂ©termine l’avĂšnement de l’ùre technique – – par un usage immodĂ©rĂ© de la technique elle-mĂȘme – technique Ă©tant un doux euphĂ©misme dĂ©signant Ă  chaque fois l’élĂ©ment judaĂŻque souverain, honni, et salavateur; chacun pourra imaginer de quelle solution – finale- il pourrait s’agir. Mais pour cela, il faudra cesser de fantasmer Heidegger en espĂšce de hĂ©ros philosophique dont l’exigence de mĂ©ditation pure le tiendrait Ă  distance avec un nazisme qui lui demeurerait extĂ©rieur ce truisme bien franco-italien a fait long feu, du moins auprĂšs de ceux qui souhaitent maintenir une distance critique. Le dĂ©lire apologĂ©tique d’AlfiĂ©ri a beau se parer des beaux atours d’une soi-disant lecture interne de la spĂ©culation ontologico-historiale, il ne rĂ©siste pas au discernement de ceux se doutant que mĂȘme si le lien de Heidegger au nazisme et Ă  l’antisĂ©mitisme est tortueux, il n’en est pas moins rĂ©el et sournoisement laudatif. Il y a bien trop d’extraits gĂȘnants pour la lecture d’AlfiĂ©ri, et si je ne nie pas que quelques textes curieux des Cahiers noirs peuvent localement mettre Ă  mal ma proposition critique d’interprĂ©tation, je laisse au lecteur le soin d’évaluer par lui-mĂȘme le sens de cette histoire, par exemple, de principe barbare. Pour ce faire, je me permets de renvoyer Ă  ce que j’en Ă©crivais dans mon long pamphlet Manipulations concernant la cĂ©lĂ©bration heideggerienne du nazisme comme Principe Barbare » Lettre du 7 juin 1936 Ă  Kurt Bauch Le national-socialisme serait beau en tant que principe barbare – mais il ne devrait pas ĂȘtre aussi bourgeois » Correspondance avec Bauch, Apparemment, l’expression principe barbare » provient de Schelling. Celui-ci renvoie Ă  la nature comme substrat de la crĂ©ation divine, au fameux fond » qui intĂ©resse tant notre auteur, justement, en cette annĂ©e 1936. Il nous faut en toucher un mot. Le fond renvoie Ă  l’ñge du PĂšre le judaĂŻsme ? C’est Ă©crit clairement dans ses Urfassung der Philosophie der Offenbarung, Meiner Felix Verlag oĂč Dieu n’est que solitude jouissant de soi, Ă©goĂŻsme et colĂšre – colĂšre qui devra ĂȘtre adoucie par l’autre commencement du Fils l’Allemagne invisible ?, principe de l’Amour !, vouĂ© Ă  tempĂ©rer la sauvagerie, le caractĂšre barbare du premier commencement. Mais, indocile, le fond est toujours tentĂ© – puisqu’il se caractĂ©rise avant tout par une propension Ă  l’asĂ©itĂ©, sa Sehnsucht, dans son indĂ©pendance et sa libertĂ©, par l’insurrection par rapport Ă  l’injonction divine, Ă  entreren insurrection contre l’ordre, l’ajointement. Or, seul, il est inconscient, irrationnel contractant, entĂ©nĂ©brant » cf. les Weltalter, stĂ©rile anhistorial ? et c’est en quelque sorte son dressage qui permet nĂ©anmoins cet ordre, cet ajointement de tout ce qui est. Le philosophe idĂ©aliste affirme en effet de lui que vaincu mais non annihilĂ©, il demeure la base de toute grandeur et de toute beautĂ© » SĂ€mmtlicheWerke, VIII, p. 343. Il faudrait relire Miklos Vetö, voire le fameux texte de Marc Richir non pas sur la barbarie, mais sur la sauvagerie, pour commencer Ă  comprendre de quoi il retourne Sauvagerie et utopie mĂ©taphysique » PrĂ©face Ă  Schelling. Les Ages du monde – versions premiĂšres, 1811-1813. Mais plus gĂ©nĂ©ralement, comme nous y inviterons souvent dans cet Ă©crit, relire Schelling et les premiers cours de Heidegger Ă  son sujet, absolument dĂ©cisifs, peut-ĂȘtre mĂȘme davantage que ceux sur Hölderlin, proposĂ©s en trompe-l’Ɠil. En tout cas, ce passage sur le nazisme comme principe barbare nĂ©cessite une Ă©lucidation de la part des chercheurs,et certains chevronnĂ©s comme Jean-François Courtine pourraient nous apporter leurs lumiĂšres. Il y avait eu en tout cas un dĂ©bat avec Elkabbach oĂč FĂ©dier assurait Ă  son contradicteur que barbare » Ă©tait, sous la plume de Heidegger, assurĂ©ment pĂ©joratif. Les Cahiers noirs restent exactement dans la mĂȘme tonalitĂ©, et en rajoutent mĂȘme une couche dans l’infamie Le nazisme est un principe barbare. C’est sa plus essentielle et potentielle grandeur. Le danger n’est pas lui-mĂȘme – mais qu’il soit galvaudĂ© en une prĂ©dication sur la vĂ©ritĂ©, le bon et la beautĂ© – comme dans une soirĂ©e de formation scolaire. Et que ceux qui veulent en faire sa philosophie, n’y aient alors rien mis d’autre que la logique » dĂ©suĂšte de la pensĂ©e commune et de la science exacte, au lieu de comprendre que dĂšs maintenant la logique » arrive de nouveau dans la dĂ©tresse et la nĂ©cessitĂ© et doit prendre une nouvelle source » GA94, Heidegger n’est pas franchement en train de s’émouvoir de la barbarie nazie – mais bien plutĂŽt du fait que ses collĂšgues dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s ne prennent pas acte de la radicalitĂ© du mouvement, lequel est censĂ© rompre avec toute la logique occidentale du premier commencement. On pourra bien sĂ»r, Ă  loisir, songer Ă  Hölderlin et ces barbares qui tout calculent
 » Ou plutĂŽt, avec plus de pertinence, se dire qu’Heidegger envisage par ce terme de barbarie » une Allemagne complĂštement dĂ©christianisĂ©e, et cela va sans dire, dĂ©senjuivĂ©e, ce que suggĂšre la fin de sa phrase. Ce que Heidegger exĂšcre le plus chez ses compatriotes qui ne reconnaissent pas son gĂ©nie millĂ©naire, c’est leur propension Ă  tomber dans les travers du libĂ©ralisme prĂ©cisĂ©ment reprochĂ© Ă  l’ennemi comme avatar du calcul et du dĂ©racinement. Heidegger plaide en faveur de plus de radicalitĂ© contre l’empĂątement trivial du rĂ©gime une fois la grandeur » de l’évĂ©nement initial Ă©vanouie. Il veut souffler sur les braises, raviver la flamme. Et continuera de le faire longtemps jusqu’à la toute fin de la guerre, comme le montre une lettre de 1945 oĂč il dĂ©plore et espĂšre Ă  la fois, suggĂ©rant qu’un principe obscur aurait empĂȘchĂ©, du fond des temps l’Allemagne nazie de dĂ©ployer son essence plĂ©niĂšre ! Ici, tout le monde ne pense qu’à l’effondrement. Mais la vĂ©ritĂ© est que nous autres Allemands ne pouvons nous effondrer, car nous n’avons pas encore surgi. Nous devons marcher Ă  travers la nuit. » Francesco AlfiĂ©ri ne fait pas la moindre rĂ©fĂ©rence Ă  cette source schellingienne de cet idiome, principe barbare, alors que comme l’insurrection, c’est un concept que Martin Heidegger reprend Ă  son compte discrĂštement dans les annĂ©es trente, lorsqu’il Ă©labore la pensĂ©e de ce tournant historial qu’a dĂ» ĂȘtre Ă  ses yeux sa nouvelle comprĂ©hension de ce qu’était, et devait ĂȘtre, finalement, le nazisme comble salvateur du premier commencement. J’ai souhaitĂ© proposĂ© ma premiĂšre interprĂ©tation, rĂ©digĂ©e il y a dĂ©jĂ  plus de deux ans, afin, Ă©galement, de relativiser la prĂ©tendue maestria de l’interprĂšte italien, qui pense pouvoir expĂ©dier en cinq pages une interprĂ©tation adĂ©quate de l’expression qui nous intĂ©resse. Principe barbare doit ĂȘtre abordĂ© dans un contexte spĂ©culatif complexe, trĂšs particulier, qui est celui de la passe ou de la transion rĂȘvĂ©e par Heidegger, entre la souverainetĂ© du premier commencement n’en finissant plus, et ce nouveau commencement qu’il porte aux nues, qui Ă  la fois collecterait cette ancienne souverainetĂ© surdĂ©terminant mĂȘme la modernitĂ© – et Ă  la fois lui opposerait le plus profond divorce. Concernant cette engeance interminable et la façon dont elle rĂšgne encore dans les temps modernes, de nombreux indices sont dissĂ©minĂ©s dans les Cahiers noirs en faisant discrĂštement Ă©tat; ainsi de ce passage dĂ©cisif, qui devrait susciter l’incrĂ©dulitĂ© de tout lecteur, y compris ceux qui s’estiment le mieux attentionnĂ©s, les plus tentĂ©s par une lecture charitable Le pharisaĂŻsme de Karl Barth et consorts surpasse mĂȘme celui de l’ancien judaĂŻsme dont l’ampleur avait pourtant dĂ©fini les nĂ©cessitĂ©s de l’histoire moderne de l’ĂȘtre ». GA95, Ma question est simple qu’est-ce que Heidegger cherche prĂ©cisĂ©ment Ă  nous dire de l’ancien judaĂŻsme dans ce passage plus que jamais allusif? Quel rapport entre les nĂ©cessitĂ©s de l’histoire moderne de l’ĂȘ tre et eux, au juste? Cela revient-il Ă  dire, Ă  la façon de Nietzsche, que l’engeance judĂ©o-chrĂ©tienne surdĂ©termine ce qui va advenir des milliers d’annĂ©es aprĂšs lorsque tel dictateur envoie dans les camps de la mort des millions de victimes? Un texte rĂ©digĂ© alors que les fours crĂ©matoires fonctionnent Ă  plein ne se gĂȘne pas de l’affirmer sans ambages le Monothéïsme judĂ©ochrĂ©tien» est prĂ©sentĂ© comme Ă©tant Ă  l’origine des systĂšmes modernes de la dictature totale » GA97, Anmerkungen I-V. Mon hypothĂšse est aussi tortueuse que le montage spĂ©culatif heidegger menant Ă  la justification, comme un boomerang historial, de la solution finale ce qu’il nomme principe barbare doit ĂȘtre saisi comme une forme de suprĂ©matie, du genre de celle qui permettent de prendre ou non des dĂ©cisions permettant une souverainetĂ© millĂ©naire. Ou bien, ou bien soit amener, par quelques engeance prophĂ©tique juive, le monde entier dans le mĂ©lange immĂ©morial de la seule considĂ©ration pour l’étant et son Être Sein par inaptitude Ă  penser la diffĂ©rence ontologique, soit, bien Ă©videmment, le rĂšgne Ă  venir du Seyn, dont Heidegger Ă©crit Ă  Kurt Bauch qu’il s’agit d’un Deckname, un mot-couvert, pour dĂ©signer la chĂšre patrie teutonne, Vaterland. Le nazisme serait beau en tant que principe barbare, c’est-Ă -dire s’il comprenait enfin sa mission dĂ©volue de mener Ă  son terme, par ses ultimes et pires consĂ©quences, la rage juive qui anime le premier commencement, afin d’en permettre la derniĂšre catharsis, la purge finale, et permettre l’avĂšnement du nouveau commencement. AlfiĂ©ri est bien loin d’une telle prise de conscience systĂ©matique d’oĂč veut en venir Heidegger Ă  partir de 1934, lorsqu’il prend conscience du parasitage intime du mouvement par ce qu’il est censĂ© combattre, et qu’il comprend que seule une gigantomachie discrĂšte mais finale avec l’ennemi intime permettra la dissension totale avec son habiletĂ© tenace Ă  tout mĂ©langer. L’interprĂšte, bien loin de la prise en compte de ces enjeux violents, prĂ©fĂšre piteusement minorer, Ă  la page 128 de l’ouvrage qu’il a commis, l’expression grandeur Grösse utilisĂ©e par Heidegger pour dĂ©signer le principe barbare. Il repĂšre en effet l’ambivalence supposĂ©e de ce terme, certes parfois Ă©voquĂ© de façon pĂ©jorative par le penseur, d’une façon qui est Ă  corrĂ©ler Ă  toute la thĂ©matique du gigantisme, dĂ©nonçant les outrances de la toute derniĂšre modernitĂ©, notamment communiste et surtout amĂ©ricaine; les cas oĂč Heidegger s’en prend apparemment aux nazis, c’est parce qu’ils souscrivent selon lui tĂȘte baissĂ©e Ă  ce libĂ©ralisme et cet amĂ©ricanisme du colossal et du gigantesque. ProblĂšme AlfiĂ©ri est soit malhonnĂȘte, soit incompĂ©tent – soit sĂ»rement un peu des deux- lorsqu’il s’en tient Ă  ces conjectures car le penseur qu’il cherche Ă  paraphraser attaque certes vertement les dĂ©rives barbares – – mais n’oublions jamais qu’en mĂȘme temps il les bĂ©nit comme ce qui mĂšnera Ă  terme ce dĂ©roulement de toute façon nĂ©cessaire du premier commencement. En s’en souvenant, l’ambiguĂŻtĂ© du terme grandeur devient toute relative, puisqu’elle est Ă  renvoyer Ă  la duplicitĂ©, d’allure il est vrai parfois schizophrĂšne, qui prĂ©side au rapport que Martin Heidegger entretient avec la technique, la technologie, la machination, qu’à la fois il cherche Ă  stigmatiser tout en en rappelant dĂ©s que possible la nĂ©cessitĂ© historiale, qu’il faudrait patiemment intensifier – charge qui reviendrait Ă  un nouveau peuple Ă©lu, lequel n’est autre que le sien. Devenir plus que jamais esclaves de la machination pour l’intensifier et en permettre la mission initiale – mener Ă  l’auto-anĂ©antissement de ceux qui l’ont d’abord promu de par leur vie selon le principe de la race- voilĂ  la charge Ă  la fois mĂ©prisable et souveraine qui, selon lui, reviendrait aux nazis si ceux-ci avaient un peu l’audace de jouer pleinement leur rĂŽle, plutĂŽt que de n’ĂȘtre, comme il le regrettera aprĂšs guerre, des CĂ©sars Ă©moussĂ©s L’errance de 1933 consistait dans le fait de ne pas avoir reconnu combien peu de prĂ©paration et de forces, combien peu historiaux et combien peu libres pouvaient-ils ĂȘtre malgrĂ© le dogmatisme nĂ©cessaire. L’errance repose sur le fait que les fonctionnaires n’ont pas Ă©tĂ© reconnus comme fonctionnaires. Mais peut-ĂȘtre ne l’étaient-ils pas encore vraiment, ils n’avaient pas suffisamment endossĂ© ce rĂŽle. Ils l’ont jouĂ© directement Ă  la façon de petits-bourgeois, comme des CĂ©sars Ă©moussĂ©s » GA97, Le dĂ©but de cet extrait corrobore notre hypothĂšse concernant le vĂ©ritable sens du fameux tournant de 1934 il consiste en la reconnaissance du caractĂšre tĂ©lĂ©guidĂ©, intimement enjuivĂ© et en cela perverti, du rĂ©gime, vouĂ© Ă  n’ĂȘtre que le pantin d’une plus ancienne volontĂ© de puissance cachĂ©e, l’instrumentalisant. C’est surtout la fin du passage qui nous intĂ©resse ici, suggĂ©rant lĂ -encore, pour ceux qui persistent Ă  prendre Martin Heidegger pour un enfant de choeur, que son appel Ă  la mise Ă  jour plĂ©niĂšre du principe barbare avait tout Ă  voir avec la sauvagerie incroyable dĂ©ployĂ©e par le rĂ©gime nazi, laquelle n’a cessĂ© toutefois de lui sembler bien infĂ©rieure Ă  celle, abritĂ©e et discrĂšte, de celle de son ennemi intime, et qui s’est propagĂ©e chez toute sorte de pharisiens enjuivĂ©s bien plus nocifs et raffinĂ©s Ă  ses yeux; il n’hĂ©site d’ailleurs pas Ă  la nommer l’inessence irresponsable, qui dĂ©passe de plusieurs milliers de degrĂ©s la rage de Hitler en Europe » GA97, La prĂ©sence d’écrits heideggeriens suggĂ©rant quelque courroux Ă  l’encontre du principe barbare n’est Ă  corroborer qu’à ses nombreux textes oĂč il dĂ©plore ce qui est pourtant nĂ©cessaire que les Allemands soient, du peuple le plus enracinĂ©, celui Ă  qui reviendrait le plus la charge tragique d’assumer Ă  fond cette Mischung inĂ©vitable, cette situation inextricable oĂč l’ennemi invisible l’entraĂźne Ă  sa propre perte; mais tel un Berserker entrant dans une terreur sacrĂ©e, l’Allemand qui devrait endosser pleinement le rĂŽle nazi comme une Ă©preuve de l’étranger, de l’étrangĂšretĂ©, de l’insolite terme trĂšs utilisĂ© dans le traitĂ© de 1939 L’histoire de l’ĂȘtre en arriverait ainsi Ă  se dĂ©barrasser de ce qui le parasite depuis des siĂšcles, ce qui du judĂ©o-christianisme aurait empoisonnĂ© l’Ister, le Rhin, en amont. Pour revenir aux trivialitĂ©s que ces spĂ©culations dĂ©lirantes de Heidegger camouflent mal, il Ă©tait d’usage courant, chez les nazis, de fantasmer telle nĂ©cessitĂ© apocalyptique par laquelle l’Allemagne arriverait pleinement Ă  se libĂ©rer de l’engeance allogĂšne, ses malversations, lesquelles se seraient largement emparĂ©es du pauvre Dasein teuton. Prise dans l’étau d’une barbarie qui a fini par l’infiltrer profondĂ©ment, le nazisme vulgaire est bien insuffisamment paranoĂŻaque, et Heidegger prĂ©tend repĂ©rer un complot bien plus vicieux encore, comblant au passage ses lecteurs professionnels versant dans la philosophie du soupçon. L’extrait Ă©voquant la rage de Hitler ne devraient donc en aucun inciter Ă  la lecture facile consistant Ă  voir une critique de cette ire, tant celle-ci est apparentĂ©e Ă  la libĂ©rtĂ© et nĂ©cessitĂ© d’errer que Heidegger ne cherche de thĂ©matiser comme seule planche de salut de l’Occident. Il ne s’est donc pas dĂ©dit aprĂšs-guerre concernant la vĂ©ritable grandeur du national-socialisme car, contrairement Ă  AlfiĂ©ri qui n’y comprend pas grand chose, il est restĂ© cohĂ©rent. Lui, tout fier de sa petite trouvaille concernant la plurivocitĂ© de grandeur qu’il ne prend Ă©videmment pas le temps d’expliciter, tire ses consĂ©quences On peut supposer que les cours de Fribourg des annĂ©es 1933-1945 dans lesquels Heidegger reconnaĂźt la grandeur » propre au mouvement » national-socialiste, doivent ĂȘtre revisitĂ©s hermĂ©neutiquement sur la base de la complexitĂ© du terme Grösse. N’ayant pas la moindre idĂ©e de ce Ă  quoi cela l’engagerait, AlfiĂ©ri n’hĂ©site pas, il fonce Le doute demeure et peut ĂȘtre justifiĂ© par la fluiditĂ© avec laquelle Heidegger outrepasse – au sens d’une re-crĂ©ation – les unitĂ©s sĂ©mantiques de nombre de paroles fondamentales Grundworte afin d’accĂ©der Ă  de nouveaux horizons de sens pouvant ĂȘtre infĂ©rĂ©s sur la base du contexte dans lequel se situent ses rĂ©flexions. A poursuivre un tel itinĂ©raire, l’hermĂ©neutique devra tenir compte de concordances philologiques assez difficiles et s’y confronter ». C’est fantastique dans un essai scandant tapageusement rĂ©vĂ©ler la vĂ©ritĂ© sur les Cahiers noirs, notre interprĂšte officiel-cooptĂ©, au lieu de se mettre Ă  l’ouvrage devant nos yeux Ă©bahis, choisi la plus sĂ©duisante des stratĂ©gies rappeler Ă  quel point il faudrait se mettre au travail – – ce qu’il ne fait certes pas lui-mĂȘme, mais il prĂ©vient que cela ne va pas ĂȘtre facile! On le comprend puisque il ne le fait lui-mĂȘme pas, lĂ  oĂč c’est pourtant ce qu’il annonce. Les quelques interpolations tentĂ©es avec les occurences de l’idiome principe barbare n’ont donnĂ© de son cĂŽtĂ© que de bien maigres rĂ©sultats, bien loin de nous mettre devant les yeux la vĂ©ritĂ© nue de ces textes douteux. Mais attention, AlfiĂ©ri n’est pas un hermĂ©neute avare, si bien qu’au paragraphe suivant, il paye sa tournĂ©e, il arrose Quelques exemples seulement, pour signaler qu’il n’est pas possible de supposer un sens littĂ©ral aux termes employĂ©s » ibid. ce Ă  quoi nous avons envie de rĂ©pondre certes. Heidegger se crĂ©e sa propre conceptualitĂ©, chacun l’avait compris. Las, alors que nous pourrions attendre le travail minutieux qu’il prĂ©tend mener, AlfiĂ©ri va encore une fois se contenter d’évoquer d’hypothĂ©tiques clĂ©s hermĂ©neutiques qui interviendront plus tard dans son travail, puis digresse, tant qu’à faire, en se jetant sur un nouvel os Ă  ronger, une nouvelle stratĂ©gie d’euphĂ©misation, qui n’est autre qu’une critique cinglante que son hĂ©ros a formulĂ© Ă  l’encontre du nazi Baeumler, rĂ©digĂ©e, dit-il, sans mĂącher ses mots. Ce n’était pas bien difficle personne ne lisait ses cahiers privĂ©s. Il n’est plus question, dans les lignes suivantes, d’expliciter principe barbare ? Eh bien non, AlfiĂ©ri est dĂ©jĂ  passĂ© Ă  autre chose. VoilĂ  le genre de texte que Von Herrmannn n’hĂ©sitait pas Ă  co-signer des deux mains. Quiconque aurait du temps Ă  perdre pourrait reprendre tous ses Ă©crits, en particulier celui intitulĂ© Wege ins Ereignis portant sur les BeitrĂ€ge, pour y montrer comme dans ceux de FĂ©dier et d’autres Ă  quel point ils sont faux et nient la rĂ©alitĂ© du nazisme et de l’antisĂ©mitisme propre Ă  la mĂ©tapolitique heideggerienne. LĂ©vy 1889) modifier Le Comte Victime d'une machination, il est accusĂ© de bonapartisme et emprisonnĂ© au ChĂąteau d'If, une Ăźle au large de Marseille 1815 : Edmond DantĂšs est ce jeune marin Ă  qui tout rĂ©ussit Vernay had already adapted Dumas' novel in 1943, with Pierre Richard-Willm (then a prominent star in French cinema) in the lead role My version has the complete
ReplayDocumentaireAu nom de la vĂ©ritĂ©Au nom de la vĂ©ritĂ© - Machination amoureuse 11/01/2018 Ă  14h00 ‱ 24min ‱ 286 vuesRĂ©sumĂ©Chacun d'entre nous s'est dĂ©jĂ  retrouvĂ© au moins une fois, au cƓur de la tourmente... "Au nom de la vĂ©ritĂ©" s'attache Ă  des hĂ©ros du quotidien en prise avec une dĂ©cision capitale. Chaque Ă©pisode est une tranche de vie dans laquelle chacun peut s'identifier ou projeter sa propre famille. Ces moments qui dĂ©rapent, ces accidents de la vie, ces histoires secrĂštes qui encombrent notre quotidien... C'est tout l'univers de votre nouvelle sĂ©rie. Replay TV par chaĂźne Replays les plus vus Replays au hasard
MonsieurpossĂšde, dans son jardin, un rosier magique qui apporterait la jeunesse Ă©ternelle au maĂźtre du jardin. Dans cette histoire nous croiserons Ă©galement Romain, un jeune jardinier et Capucine, une femme mystĂ©rieuse qui connaĂźt le secret des plantes. Cette histoire s’inspire de trois contes traditionnels, que la conteuse a transposĂ©s dans notre monde contemporain. Elle Versets les plus Pertinents ÉphĂ©siens 415 mais que, professant la vĂ©ritĂ© dans la charitĂ©, nous croissions Ă  tous Ă©gards en celui qui est le chef, Christ. Zacharie 816 Voici ce que vous devez faire dites la vĂ©ritĂ© chacun Ă  son prochain; jugez dans vos portes selon la vĂ©ritĂ© et en vue de la paix; ÉphĂ©siens 425 C'est pourquoi, renoncez au mensonge, et que chacun de vous parle selon la vĂ©ritĂ© Ă  son prochain; car nous sommes membres les uns des autres. Proverbes 1217 Celui qui dit la vĂ©ritĂ© proclame la justice, Et le faux tĂ©moin la tromperie. Psaumes 152 Celui qui marche dans l'intĂ©gritĂ©, qui pratique la justice Et qui dit la vĂ©ritĂ© selon son coeur. Proverbes 87 Car ma bouche proclame la vĂ©ritĂ©, Et mes lĂšvres ont en horreur le mensonge; 2 Corinthiens 217 Car nous ne falsifions point la parole de Dieu, comme font plusieurs; mais c'est avec sincĂ©ritĂ©, mais c'est de la part de Dieu, que nous parlons en Christ devant Dieu. 2 Corinthiens 42 Nous rejetons les choses honteuses qui se font en secret, nous n'avons point une conduite astucieuse, et nous n'altĂ©rons point la parole de Dieu. Mais, en publiant la vĂ©ritĂ©, nous nous recommandons Ă  toute conscience d'homme devant Dieu. Jean 1041 Beaucoup de gens vinrent Ă  lui, et ils disaient Jean n'a fait aucun miracle; mais tout ce que Jean a dit de cet homme Ă©tait vrai. Apocalypse 215 Et celui qui Ă©tait assis sur le trĂŽne dit Voici, je fais toutes choses nouvelles. Et il dit Écris; car ces paroles sont certaines et vĂ©ritables. Apocalypse 226 Et il me dit Ces paroles sont certaines et vĂ©ritables; et le Seigneur, le Dieu des esprits des prophĂštes, a envoyĂ© son ange pour montrer Ă  ses serviteurs les choses qui doivent arriver bientĂŽt. - Galates 416 Suis-je devenu votre ennemi en vous disant la vĂ©ritĂ©? Job 333 C'est avec droiture de coeur que je vais parler, C'est la vĂ©ritĂ© pure qu'exprimeront mes lĂšvres Topics on Dire la vĂ©ritĂ© Dire La VĂ©ritĂ© FiabilitĂ© FidĂ©litĂ©, dans les Relations Humaines HonnĂȘtetĂ© Les Esclaves De Dieu Tromperie, Pratique de VĂ©ritĂ© qppec.
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